, envoyée spéciale à La Rochelle – La ministre de la Justice Christiane Taubira a rendu visite samedi aux parlementaires frondeurs, lors d'une réunion en marge de l'université d'été du Parti socialiste, à La Rochelle. Un rapide bain de foule, sans prise de parole. Reportage.
"J'assume les conséquences !" C'est dans l'amphithéâtre bondé et transcendé de la faculté de lettres de La Rochelle, à quelques encablures seulement de l'université d'été du Parti socialiste (PS), que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a rendu visite, samedi 30 août, aux députés frondeurs. Eux qui, farouchement opposés à la ligne économique du gouvernement, ont tenu cette réunion publique dissidente afin de lancer leur propre mouvement baptisé "Vive La Gauche". Invitée à cet événement depuis quelques semaines déjà, la Garde des Sceaux a simplement expliqué être là "pour entendre les débats".
"J'ai été invitée il y a plusieurs semaines, je crois qu'on peut entendre les débats. Je ne vois vraiment pas où est le problème. Je comprends que vous ayez besoin de dramaturgie", a-t-elle lancé aux journalistes qui s'étonnaient de sa présence.
"Nous devons refaire place à la politique"
Souriante et d'humeur taquine avec les photographes à qui elle a adressé quelques grimaces, Christiane Taubira s'est assise au premier rang, aux côtés des députés Jérôme Guedj et Christian Paul. La ministre n'a pas officiellement pris la parole à la tribune, mais le symbole est fort. Et ce soutien impromptu de choix, pour ces députés rebelles difficiles à chiffrer qui semblent désormais avoir consommé la rupture avec le couple exécutif Hollande-Valls.
Le bain de foule de Christiane Taubira n'aura duré que dix minutes. Dix minutes largement suffisantes pour faire sensation. "Nous avons laissé les Français se démoraliser. Aujourd'hui, nous n'avons pas le choix, nous devons refaire place à la politique. La politique, c'est s'interroger sur la vie dans la cité (...) La politique, c'est débattre", a lâché la ministre en sortant de la réunion qui s'est poursuivie pendant une quinzaine de minutes après son départ.
"Christiane Taubira n'a pas eu de parole déloyale"
Parmi les frondeurs, l'heure est à la satisfaction. Non seulement la presse s'est déplacée en masse pour le lancement du mouvement "Vive La Gauche", mais la seule présence de la ministre de la Justice en dit long sur les relations qu'elle entretient avec Manuel Valls. Ces deux-là qui, il y a un an, lors de la précédente université d'été, s'écharpaient déjà ouvertement sur la réforme pénale. Depuis, le ministre de l'Intérieur a pris du grade, ce qui ne semble pas effrayer Christiane Taubira. "C'est une femme intelligente qui sait ce qu’elle fait et même si ce n’est pas ce que je souhaite, je crains que ce ne soit pas sans conséquences.", confie le député Henri Emmanuelli au sortir de la réunion des frondeurs. Et Pascal Cherki, à ses côtés, d'ajouter : "Depuis trois jours, ce que tente d’imposer Valls, on voit bien les dégâts que cela provoque..."
Du côté du gouvernement, on tente évidemment d'apaiser les esprits. "Christiane Taubira est libre. Tous ceux qui veulent interpréter sa visite comme un soutien aux frondeurs prennent leurs désirs pour des réalités", commente Michel Sapin, le ministre du travail. "Elle n’a pas eu de parole déloyale", affirme, de son côté, le secrétaire d'État Thierry Mandon, qui estime que la Garde des Sceaux dispose "d’un droit de visite" et d’un "droit d’écoute".
Depuis Lille, Martine Aubry enfonce le clou
Assailli par les journalistes dès la descente du train en gare de La Rochelle, Manuel Valls s'est également fendu d'un commentaire rassurant à propos de sa ministre de la Justice : "Il est normal que les socialistes se retrouvent à l'université d'été et c'est normal quand on est ministre de se faire applaudir par des militants socialistes. C'est très bien que ça se passe comme ça. La cohérence gouvernementale n'est pas mise à mal". Sauf qu'en coulisses, un proche du Premier ministre a confié un peu plus tôt, "on s'en serait bien passés..."
Et comme pour jeter encore un peu plus d'huile sur le feu, Martine Aubry, depuis Lille, vient elle aussi semer le trouble. Dans un communiqué diffusé dès l'arrivée de Manuel Valls à La Rochelle, l'élue exige que l'encadrement des loyers, suspendu la veille par Matignon, soit rétabli dans sa ville. "Lille a besoin d'une régulation de ses loyers. La loi Alur le permet (...) Nous demandons que, comme Paris, Lille et d'autres villes volontaires bénéficient de l'encadrement des loyers prévu par la loi Alur, dans le respect de l'engagement 22 de François Hollande", écrit Martine Aubry. Une nouvelle incartade dont le chef du gouvernement se serait, à coup sûr, bien passé là encore.