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Débarquement : "Nous n'avons pas la reconnaissance de la France"

Il y a 70 ans, 450 000 hommes, parmi lesquels 250 000 Français de l'"Armée B" débarquaient en Provence. Issa Cissé, un tirailleur sénégalais faisait partie de ces combattants. Âgé de 92 ans, il a participé à la libération de Toulon.

À l’occasion des 70 ans du débarquement sur les côtes de Provence, l’armée française d’Afrique est à l’honneur. Le président François Hollande va accueillir vendredi 15 août, à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle, 13 chefs d’État en très grande majorité africains.

À partir du 15 août 1944, ce sont en effet plus de 250 000 soldats de "l'Armée B" française, dirigée par le général Jean de Lattre de Tassigny, qui sont arrivés dans le sud de la France. La moitié de ces effectifs était composée de Français européens d'Afrique du Nord, l'autre moitié d'indigènes du Maghreb (près de 100 000) et d'Afrique noire (10 000).

Depuis son domicile dans un quartier populaire de Dakar, Issa Cissé se remémore ces événements auxquels il a participé. "Ça a commencé le 15 août. J'ai débarqué le 17 août. Je tenais un canon antichar", raconte à l'AFP cet ancien tirailleur sénégalais, âgé de 92 ans.

"J'appartenais à la 9e division d'infanterie coloniale. Nous avons débarqué le 17 août et le 25 août, nous sommes entrés dans Toulon, que nous avons libérée", précise le vieil homme qui arbore fièrement ses médailles. "Il y avait beaucoup de morts et de blessés chez les tirailleurs" sénégalais, l'appellation commune des nombreux soldats d'Afrique subsaharienne engagés sous le drapeau de la France libre, ajoute le vétéran.

"J’ai perdu beaucoup d’amis"

Ce natif de Bakel dans l’est du Sénégal s’est engagé comme volontaire en novembre 1942, juste avant ses 21 ans. Il travaillait alors comme chaudronnier dans la Marine à Dakar. Il est ensuite passé par bateau au Maroc puis en Algérie : "Au Maroc, nous avons été formés (avec d'autres soldats africains) à faire la guerre, au maniement des armes. On nous apprenait à tuer sans être tué".

Quand le conflit s’est terminé, il a dû attendre un an pour retourner dans son pays, faute de bateau pour faire le voyage. Issa Cissé a alors rangé son uniforme pour retrouver son travail de chaudronnier.

Soixante-dix ans après, il se souvient encore avec émotion des combats de la Seconde Guerre mondiale : "J'ai perdu beaucoup d'amis pendant ce débarquement. Ils ont été tués par des bombes, des mines, des mitrailleuses ou des canons. D'autres sont devenus fous ou estropiés et n'ont jamais pu revenir". Même s’il est fier d’avoir participé à la libération de la France, il regrette un manque de considération. "Nous n'avons pas la reconnaissance de la France. Elle ne peut même pas nous payer", explique-t-il en faisant référence à sa maigre pension. "Je perçois 219.614 FCFA (334 euros) tous les six mois. Avant son augmentation (dans les années 2000, NDLR), c'était 25.000 FCFA (38 euros) par semestre".

Ce mécontentement ne date pas d’aujourd’hui. En décembre 1944 déjà, des tirailleurs démobilisés de retour du front, avaient été fusillés par l'armée coloniale française, alors qu’ils manifestaient près de Dakar pour réclamer le paiement de leurs primes et soldes.

En ce jour de commémoration, la France veut aujourd’hui perpétuer le souvenir de ces combattants des anciennes colonies. "En mêlant leur sang à ceux des combattants métropolitains, les soldats venus d'Afrique ont à jamais lié les destins de nos pays", a ainsi souligné jeudi le secrétaire d'État chargé des anciens combattants Kader Arif à Saint-Raphaël. "Cette communauté de destins, la France la rappelle aujourd'hui en s'engageant au Mali et en Centrafrique", a-t-il ajouté.

Avec AFP