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Géorgie : manifestations réprimées après la victoire du parti au pouvoir aux élections locales
La police géorgienne a fait usage de gaz lacrymogène samedi contre des manifestants pro-européens qui tentaient de pénétrer dans la présidence, le jour des élections locales dans ce pays du Caucase en pleine crise politique.
Des manifestants tentent de pénétrer dans l'enceinte du palais présidentiel lors d'un rassemblement de l'opposition le jour des élections locales à Tbilissi, en Géorgie, le 4 octobre 2025. © Irakli Gedenidze, Reuters

Le parti au pouvoir en Géorgie a remporté samedi 4 octobre des élections locales marquées par une tentative d'irruption de manifestants prodémocratie dans le palais présidentiel, repoussés par la police qui a fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau.

Ce pays du Caucase en pleine crise politique, tiraillé entre l'Union européenne et la Russie, voit le parti Rêve géorgien du Premier ministre Irakli Kobakhidzé obtenir plus de 80 % des voix après le dépouillement de près de 75 % des bureaux de vote, selon la Commission électorale.

Ces élections municipales, faisaient office de test pour cette formation politique accusée de vouloir se rapprocher de Moscou, depuis les législatives d'octobre 2024 qu'elle a officiellement remportées mais dont le résultat est contesté par l'opposition.

Des dizaines de milliers de manifestants prodémocratie, brandissant des drapeaux de leur pays et de l'UE, avaient afflué en début de soirée sur la place de la Liberté dans la capitale Tbilissi.

"Nous sommes ici pour protéger notre démocratie, que le Rêve géorgien est en train de détruire", avait expliqué à l'AFP Natela Gvakharia, âgée de 77 ans.

En dépit de leur dimension locale, ces élections présentent un grand enjeu politique dans un contexte de pression sur la presse indépendante et de contrôle de la société civile. Avec, selon des ONG de défense des droits humains, l'emprisonnement d'une soixantaine d'opposants, journalistes et militants en un an.

Samedi, les protestataires ont marché vers le palais présidentiel dans lequel certains ont brièvement essayé d'entrer, sans succès, a constaté l'AFP, tandis que d'autres ont érigé des barricades et y ont mis le feu.

Le rassemblement s'est dissous peu après minuit.

L'un des manifestants arrêtés en soins intensifs

"Ils avaient annoncé le renversement de l'ordre constitutionnel et son remplacement par la violence et pris des mesures concrètes en ce sens. Toute personne impliquée dans cet acte de violence sera poursuivie", a mis en garde le Premier ministre Irakli Kobakhidzé, s'exprimant devant la presse.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de cinq personnes présentées comme les meneurs de la manifestation, dont le chanteur lyrique vedette devenu militant Paata Burchuladze.

Selon le média pro-opposition Pirveli TV, l'artiste de 70 ans se trouve en soins intensifs dans un hôpital de Tbilissi, où il serait traité pour une crise cardiaque.

Les cinq meneurs présumés encourent jusqu'à neuf ans de prison, a précisé à des journalistes le ministre de l'Intérieur adjoint Alexandre Darakvelidze.

Au pouvoir depuis 2012, le Rêve géorgien s'est d'abord présenté comme une solution alternative libérale face à l'ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili, un réformiste pro-européen qui a dirigé son pays pendant presque dix ans à partir de 2004 et s'était un temps exilé en Ukraine après sa chute.

Mais depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, ce parti est accusé de dérive autoritaire et de vouloir se rapprocher de Moscou. Il a pris des mesures anti-LGBT et adopté une loi sur les "agents de l'étranger" fustigées l'Union européenne. Le processus d'adhésion de la Géorgie à l'UE a été suspendu.

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Dans un récent sondage, l'Institut d'études et d'analyse sociales évalue la cote de popularité de ce parti à environ 36 %, l'opposition ayant les faveurs de 54 % des Géorgiens.

Mais celle-ci est divisée et plusieurs des partis la composant ont boycotté les élections locales de samedi, dont le Mouvement national uni (MNU) de Mikheïl Saakachvili. Ce dernier, qui purge une peine de 12 ans et demi de prison pour notamment abus de pouvoir, avait exhorté ses partisans à manifester lors de ce qu'il a qualifié de "dernière chance" de sauver la démocratie géorgienne.

Faute d'une démonstration de force face au pouvoir, "beaucoup plus de personnes seront arrêtées et les autres chassées. Le désespoir total s'installera et l'Occident finira par nous abandonner", avait-il affirmé.

Avec AFP