Des combattants de l'État islamique en Irak et au Levant se sont emparés jeudi de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d’Irak, après le retrait des forces kurdes. Face à l'avancée des djihadistes dans le nord, des milliers d'habitants ont fui.
L'avancée des djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) se poursuit en Irak. Jeudi 7 août, ils se sont emparés de trois villes du nord du pays dont Qaraqosh, la plus grande cité chrétienne d'Irak et d'autres zones près de Mossoul (nord), poussant des dizaines de milliers de personnes à prendre la fuite, ont annoncé des témoins et des responsables.
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Les combattants de l’EIIL ont pris position dans la nuit, après le retrait des forces kurdes, ont expliqué des habitants. "Je sais maintenant que les villes de Qaraqosh, Tal Kayf, Bartella et Karamlesh ont été vidées de leurs habitants et sont maintenant sous le contrôle des insurgés", a déclaré à l'AFP Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh. "C'est une catastrophe, une situation tragique. Nous appelons le conseil de sécurité de l'ONU à intervenir immédiatement. Des dizaines de milliers de personnes terrifiées sont chassées de chez elles au moment où nous parlons, on ne peut pas décrire ce qui se passe", a-t-il ajouté.
itQaraqosh est une ville entièrement chrétienne située entre Mossoul, la principale ville tenue par l'EIIL en Irak, et Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan vers laquelle continuent d'avancer les djihadistes. Elle compte en temps normal 50 000 habitants, mais avait également accueilli nombre de chrétiens chassés de Mossoul. Plus au nord, Tal Kayf, où vivaient également de nombreux chrétiens mais aussi des membres de la minorité chiite Chabak, s'est aussi vidée dans la nuit. "Tal Kayf est entre les mains de l'État islamique. Ils n'ont rencontré aucune résistance et sont arrivés juste après minuit", a expliqué Boutros Sargon, un habitant ayant fui la ville, joint par téléphone à Erbil. "J'ai entendu des tirs dans la nuit et quand j'ai regardé dehors, j'ai vu un convoi militaire de l'État islamique. Ils criaient 'Dieu est grand'", a-t-il ajouté.
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Après avoir mené des attaques à Bagdad, l’EIIL se tourne ainsi de plus en plus vers le Kurdistan irakien, dans le nord-est du pays. "L’État islamique souhaite contrôler l’intégralité de la frontière entre l’Irak et la Syrie, commente Roméo Langlois, reporter à France 24, qui revient d’une mission dans la région. Et pour abolir cette frontière, ils ont besoin de prendre le contrôle de certaines villes stratégiques."
itSe revendiquant d’un islam rigoriste sunnite, l’EIIL n’hésite donc pas à semer la terreur auprès des populations qu’il accuse d’être infidèles. En Irak, "l’ampleur des persécutions visant les chrétiens d’Orient est grandissante, indique Eduardo Cue, chroniqueur spécialiste des questions internationales à France 24. Deux tiers des chrétiens, soit un million de personnes, ont déjà quitté le pays. Il n’en reste plus que 400 000."
Le pape interpelle la communauté internationale
Depuis Rome, le pape François a lancé un appel urgent à la communauté internationale pour "protéger" les populations en fuite dans le nord de l'Irak. Mais, pour l’heure, cette dernière semble bien en peine d’intervenir. "L’Occident a mis beaucoup de temps à se rendre compte de l’ampleur du phénomène et les pays musulmans n’ont pas encore beaucoup réagi", pointe Eduardo Cue.
itLa marge de manœuvre des pays tiers est de toutes façons réduite puisque, comme le rappelle le chroniqueur, "l’EIIL ne veut pas négocier, ils veulent que les chrétiens se convertissent, paient une lourde amende ou quittent le pays." À terme, analyse Eduardo Cue, on peut craindre que les chrétiens perdent, au Moyen-Orient, "une grande partie de leur patrimoine culturel et religieux".
La minorité chrétienne n’est pas la seule à subir les foudres des combattants islamistes. "Depuis des mois, les Turkmènes chiites, très présents dans la région, sont les victimes d’exactions, et surtout les Kurdes yézidis qu’ils considèrent comme des adorateurs du diable", rapporte Roméo Langlois.
Avec AFP