Pointées du doigt pour avoir cédé du terrain aux Taliban dans la vallée de Swat, les autorités pakistanaises ont entamé une vaste opération militaire destinée à reconquérir Buner, une région aux mains des combattants islamistes.
Depuis dimanche, des colonnes de réfugiés fuient le district de Dir, dans le nord-ouest du pays. En à peine deux jours, au moins 30 000 personnes ont trouvé refuge plus au sud. Cette région montagneuse du Pakistan est en proie à de violents combats qui opposent l'armée et les Taliban. Les militaires pakistanais assiègent la zone à coups de canons et de missiles. Dans la ville de Maidan, la vie s'est arrêtée. Magasins, écoles et universités ont fermé leurs portes.
L'armée assure qu'elle a tué 46 insurgés et qu'elle a perdu un soldat. Ces chiffres sont invérifiables mais une chose est sûre : il s’agit d’une opération de grande ampleur. Mardi après-midi, l’armée a également annoncé qu'elle avait attaqué le district de Buner pour expulser les Taliban présents sur place.
Ces offensives risquent de compromettre l'accord de paix conclu en février. Les Taliban avaient obtenu le droit d'appliquer leur interprétation de la charia, la loi islamique, dans les tribunaux de la vallée de Swat contre leur engagement à cesser le feu.
Seulement voilà, dès la signature du texte, le gouvernement s’est trouvé en désaccord avec les combattants islamistes. "Pour les Taliban, l'accord s'applique à toute la région de Malakand, qui regroupe six districts. Et Swat n'est qu'un de ces districts. C'est pour cette raison que les Talibans sont sortis de Swat afin de conquérir les régions voisines, détaille Mansur Khan Mahsud, chercheur à l'Institut d'études pour la paix à Islamabad. Pour le gouvernement, l'accord se limite uniquement à Swat et en plus, il implique un désarmement des Taliban."
Provocations talibanes
Ainsi, depuis plusieurs semaines, les Taliban multiplient les provocations. Alors que le gouvernement espérait qu'ils resteraient cantonner à Swat, ils se sont infiltrés dans les districts voisins, notamment à Dir. Jeudi dernier, une patrouille de paramilitaires pakistanais a été prise dans une embuscade. Samedi dernier, c'est un convoi de l'armée qui a été intercepté. La semaine dernière, ils ont aussi pris le contrôle du district de Buner qui borde la vallée de Swat. Ils se sont également introduits dans le district de Shangla, un peu plus au nord.
"Plus que les pressions américaines, ce qui a décidé l'armée à agir, c'est le ras-le-bol de la classe politique, qui a vite compris que si elle laissait faire, les Taliban finiraient par conquérir le nord-ouest du pays. Et si cela devait arriver ce serait très grave car les Taliban prendraient alors le contrôle de régions montagneuses où ils pourraient facilement tenir tête à l'armée", conclut Mansur Khan Mahsud.