François Hollande, Barack Obama, Vladimir Poutine et Angela Merkel seront côte-à-côte, vendredi, en France, pour les commémorations du Débarquement. Des retrouvailles historiques mais sous haute tension tant les sujets de discorde sont délicats.
Sur la photographie officielle du 70e anniversaire du Débarquement, François Hollande, Barack Obama, Angela Merkel et Vladimir Poutine seront côte-à-côte. Un événement historique en France, où les protagonistes de la Seconde Guerre mondiale sont réunis. Sauf que derrière cette union de façade se cachent plusieurs sujets de discorde, notamment la poudrière ukrainienne.
- Le dossier ukrainien
Les Occidentaux, États-Unis en tête, ont souvent prétendu, ces derniers mois, vouloir "isoler" la Russie sur les fronts diplomatique et économique pour la punir d'avoir "annexé" la Crimée et "déstabilisé" l'Est de l'Ukraine. Et pourtant, Vladimir Poutine sera bien au centre du jeu, vendredi 6 juin, sur les plages de Normandie.
Après la fermeté affichée au G7 sur la crise en Ukraine, les dirigeants occidentaux vont commencer à s'expliquer directement avec Vladimir Poutine, pour la première fois depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en mars. Ils espèrent peut-être voir l'amorce de la "désescalade" et du "dialogue" qu'ils appellent de leurs vœux depuis des mois, avec le retrait des quelque 40 000 soldats russes qui étaient massés à la frontière ukrainienne et l'élection du nouveau président ukrainien Petro Porochenko. Ce dernier, invité de dernière minute de François Hollande, a aussi fait part de son intention d'aborder Vladimir Poutine pour "apaiser la crise et œuvrer à la paix".
Le président russe, qui aura les honneurs d'un souper jeudi à l'Élysée, doit rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel vendredi matin, juste avant les cérémonies officielles du Débarquement. Il doit également s'entretenir avec le Premier ministre britannique David Cameron, qui l’incitera à reconnaître l'élection du nouveau président ukrainien et amorcer le dialogue avec Porochenko.
Il faudra attendre le déjeuner pour que Barack Obama et Vladimir Poutine se retrouvent autour d'une même table, au château de Bénouville, vendredi. Ils se croiseront également au cours des cérémonies de commémoration à Ouistreham dans le Calvados (nord-ouest de la France). Ce sera une première depuis qu'a éclaté la crise ukrainienne fin 2013, même si les deux dirigeants se sont maintes fois parlés au téléphone depuis. Le chef de l’exécutif américain estime que le président russe "peut décider qu'ayant maintenant commencé à retirer ses troupes de la frontière, il peut aussi user de son influence sur les séparatistes (...) rencontrer le président élu d'Ukraine et reconnaître que c'était une élection légitime".
Si la tension reste aussi vive, les Occidentaux se disent "prêts à intensifier les sanctions ciblées et à mettre en œuvre des sanctions supplémentaires pour imposer de nouveaux coûts à la Russie", ont-ils averti. Ces représailles, susceptibles de frapper l'économie russe, pourraient être décidées au prochain sommet européen qui se tiendra les 26 et 27 juin.
Par ailleurs, si les États-Unis et la France forment un front contre la Russie, Barack Obama ne masque pas ses critiques envers la France concernant la vente de deux Mistral à Moscou. Lors de la conférence de presse à l'issue du G7, jeudi, le président américain a notamment fait part de sa "préoccupation", signe que la relation franco-américaine n'est pas si harmonieuse. Paris et Moscou ont signé en 2001 un contrat pour deux navires militaires, le premier devant être livré en octobre 2014, le second en 2015 et destinés à la flotte russe de la mer Noire.
- L'amende de BNP Paribas
Un autre dossier vient parasiter les relations franco-américaines : l’amende record de 10 milliards de dollars que s'apprêterait à imposer la justice américaine à la banque française BNP Paribas pour avoir contourné l'embargo américain visant le Soudan, l'Iran ou Cuba. Cette affaire judiciaire a pris une tournure diplomatique depuis que François Hollande a fait part à son homologue américain du "caractère disproportionné des sanctions".
Déterminé à obtenir la clémence des autorités américaines, le président français s'apprête à intervenir directement auprès de Barack Obama, jeudi soir, lors d'un dîner dans un restaurant parisien. François Hollande ne conteste pas une éventuelle sanction contre BNP-Paribas, mais s'efforce d'obtenir une réduction des pénalités envisagées pour éviter au groupe une ponction qui compromettrait ses capacités de financement de l'économie française. Mais le président américain refuse de se "mêler" d'une affaire judiciaire, comme il l'a formellement expliqué lors de la conférence de presse du G7 à Bruxelles jeudi.
- La Syrie
C’est l’autre sujet sensible entre la France et les États-Unis : l'utilisation d’armes chimiques par l'armée syrienne dans des bombardements de zones contrôlées par les rebelles en Syrie. Selon une enquête menée par "Le Monde", les autorités françaises disposeraient de preuves formelles attestant du recours répété des forces gouvernementales syriennes à d'autres armes chimiques à l'encontre de la population, depuis octobre 2013 et jusqu'à récemment. Sauf que le gouvernement français se garde de rendre publique les résultats de cette recherche conduite avec les États-Unis et la Grande-Bretagne car Paris ne dispose pas de l’aval de ses partenaires. Selon le quotidien français, cette révélation obligerait les trois pays à agir, ayant eux-mêmes tracé une "ligne rouge" concernant l'usage des armes chimiques.
- La NSA
Il n’y aura probablement pas non plus de grandes accolades entre Angela Merkel et Barack Obama en raison du froid jeté par des écoutes de la NSA concernant un portable de la chancelière. Si cette révélation remonte à l’été 2013, la justice allemande a annoncé, mercredi 4 juin, l'ouverture d'une enquête.
À l’époque des faits, l'Allemagne avait été choquée par les révélations d'Edward Snowden, qui avaient mis au jour un vaste système de surveillance des conversations téléphoniques et des autres communications via internet des Allemands. La protection de la vie privée est un sujet extrêmement sensible dans le pays, marqué par les dictatures nazie, puis communiste, dans l'ex-RDA. Si à l’origine, la relation entre l’Allemagne et les États-Unis est traditionnellement très étroite, elle avait profondément été affectée par le scandale. Barack Obama s’attachera à apaiser ces tensions, en usant de la diplomatie, qu’il estime être le meilleur moyen pour répondre aux inquiétudes allemandes.