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Peine de probation hors prison : comment ça se passe à l’étranger ?

Le projet de réforme pénale de Christiane Taubira prévoit l’instauration de peines de probation. Présenté comme une révolution en matière de politique pénale en France, le dispositif a porté ses fruits à l’étranger. À condition d’y mettre les moyens.

Trop laxiste pour les uns, pas assez ambitieuse pour les autres, la réforme pénale de Christiane Taubira est discutée depuis mardi 3 juin dans une Assemblée nationale sous tension. Au cœur des crispations : la création d’une peine de probation - appelée "contrainte pénale communautaire" - qui, philosophiquement, constitue une petite révolution en matière de politique pénale.

Concrètement, le texte entend lutter contre la récidive en infligeant aux personnes reconnues coupables de délits mineurs une peine à purger en milieu ouvert et non pas en prison. Une peine "hors les murs" d'une durée comprise entre six mois et cinq ans, et durant laquelle le condamné sera soumis à des obligations et des interdictions, mais fera aussi l’objet d’un intense suivi pour permettre sa réinsertion. Ainsi, au deux-tiers de la peine, un juge sera amené à examiner une éventuelle libération conditionnelle ou "sous contrainte". "La prison est nécessaire, mais elle ne peut pas être la seule peine de référence, justement parce qu'elle est créatrice de récidive", expliquait, dès février 2013, la ministre de la Justice dans les colonnes du "Parisien".

"Contourner la case prison"

Le texte, qui doit être examiné toute la semaine, fait l'objet de plus de 800 amendements, dont 650 de la droite. Député UMP du Rhône et ancien magistrat, Georges Fenech réclame le retrait pur et simple d’une réforme qui, à ses yeux, "présente à l'évidence une menace grave pour la paix sociale". "Laisser croire que contourner la case prison ramènerait le noyau le plus dur de la délinquance dans le droit chemin relève d'un pari risqué, car fondé sur un angélisme que l'on croyait définitivement révolu depuis le passage de Manuel Valls place Beauvau", a déploré le député dans une tribune publiée dans "Le Monde".

De leur côté, les défenseurs du texte font valoir les expériences menées à l’étranger, notamment au Royaume-Uni, en Suède et au Québec. Dans ces pays et régions, les peines de probation ont permis, selon "Le Monde", de "réduire la récidive de 50 % en moyenne".

Royaume-Uni, Suède, Québec : plus d’économies et une moindre surpopulation carcérale

Au Royaume-Uni, le dispositif a été introduit en 2005 afin de répondre, notamment, à la surpopulation carcérale. En 2011, rapporte "Le Point", près de 174 000 délinquants ont fait l'objet d'une peine de probation hors prison, soit 13 % des condamnés. Selon la gravité de leur délit, ces derniers ont été contraints à un certains nombre d’obligations (travail d’intérêts généraux, confrontation avec la victime, formation professionnelle, programme de réhabilitation, couvre-feu, port de GPS, assignation à résidence plus de huit heures par jour, etc.).

D’après l'Alliance de la justice criminelle (Criminal Justice Alliance), qui regroupe 70 organisations judiciaires au Royaume-Uni, 40 % des moins de 25 ans ayant été soumis à une "contrainte pénale" ont récidivé, contre 53 % de ceux ayant été condamnés à une peine de prison courte pour des délits similaires.

Quant au dispositif suédois, il est volontiers cité pour les économies qu’il permet de réaliser. Un reportage diffusé en février 2013 sur TF1 rappelait qu’un délinquant pris en charge durant deux ans et demi "hors les murs" ne coûtait que 35 euros par jour à l’État contre 350 euros en détention.

C’est dans un contexte de contraintes budgétaires que le Québec a également mis en place dès 1967 l’équivalent de la "contrainte pénale communautaire". Dans la province canadienne, l’ordonnance de probation ne peut dépasser trois ans et ne s’applique qu’aux petits délits passibles de deux années de réclusion. Selon des chiffres de l’institut national de la statistique, cités par "Le Figaro", 9 600 personnes effectuaient, en 2009, une peine de probation au Québec, qui compte 8 millions d'habitants. Environ 30 % d’entre eux avait été condamnés pour des infractions contre les personnes, 12 % pour des délits de drogue et 30 % pour des infractions contre la propriété.

Reste qu’au Québec, les "probationnaires" sont étroitement surveillés. Quelque 320 agents, répartis sur tout le territoire, s’occupent en moyenne d’une trentaine de condamnés dont ils évaluent les capacités à se réinsérer et surveillent les agissements.

En France, un millier d’agents de probation en plus

En France, le gouvernement s’est engagé à créer 1 000 postes de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), soit une augmentation de 25 % des effectifs actuellement en place. La profession craint toutefois que la promesse ne fasse les frais du plan de 50 milliards d’euros d'économies de dépense publique. "Sans moyens, on va à la catastrophe, assure à l’AFP Marina Cecchin, une agent de probation. On est tous à plus du double de dossiers que ce qu'on devrait avoir. Alors face à la surcharge de travail, il faut lâcher sur certaines choses."

"Voir une personne tous les quatre mois, ça n'a que peu d'intérêt", regrette pour sa part Julie Labadille, une autre conseillère. Même si on pose les bonnes obligations, si on ne suit pas pour voir si la personne investit bien l'obligation, à quoi ça sert ?"