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Une Pakistanaise lapidée pour s’être mariée par amour

Une jeune Pakistanaise enceinte a été lapidée mardi par sa propre famille, furieuse de son mariage d'amour. Ce fait divers attire à nouveau l’attention sur l'horreur des crimes d'honneur au "pays des purs".

Son crime ? Avoir épousé l’homme qu’elle aimait. Farzana Parveen, 25 ans, a été tuée à coups de briques, mardi 27 mai, par une trentaine de personnes dont des membres de sa famille furieux que la jeune femme, enceinte de trois mois, ait choisi un mariage d’amour.

Le premier ministre exige des mesures immédiates

Jeudi, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a exigé des autorités de la province du Penjab qu’elles prennent "des mesures immédiates" à la suite de ce crime "totalement inacceptable" survenu "devant la police".
 

Le drame s’est déroulé en plein centre-ville, à l’entrée du tribunal de Lahore, mégalopole de plus de 10 millions d'habitants à l’est du Pakistan. Farzana Parveen devait se présenter devant la justice pour témoigner contre sa famille qui accusait son mari de l'avoir "kidnappée".

Mais les assaillants ne l'ont pas laissé franchir le seuil du palais de justice et l’ont trainée au sol, battue à coups de briques avant de lui porter un coup fatal à la tête. Parmi les agresseurs : le père de Farzana, ses frères et ses cousins, affirme Muhammad Iqbal, le mari de la jeune femme, âgé de 45 ans.

Lapidée “sous les yeux” de la police

Interrogé par la BBC, il fustige l’inaction des forces de sécurité, qu’il qualifie de “honteuse” et “inhumaine” : “Nous avons crié à l’aide, personne n’écoutait. Un de mes proches qui nous accompagnait au tribunal a même ôté ses vêtements pour attirer l’attention de la police mais personne n’a bougé. Ils ont laissé Farzana se faire tuer sous leurs yeux”, raconte Muhammad Iqbal, sous le choc.

Depuis quelques temps déjà, l’époux éploré craignait une issue dramatique à ce conflit familial. D’ailleurs, lors d'une précédente audience dans cette affaire, le 12 mai dernier, le couple avait affirmé avoir échappé à une première attaque. "Nous sommes la cible de menaces depuis que nous sommes mariés", avait déclaré Muhammad Iqbal mercredi à l'AFP.

Joint par téléphone depuis son village de Jaranwala, où ont eu lieu les funérailles de la jeune femme, il ajoute : "Toutes les personnes qui étaient présentes [devant le tribunal] sont connues, elle ont été vues par tout le monde, il n'y a donc aucune raison que les agresseurs ne soient pas traduits en justice. Justice doit être faite !"

“Nous glissons vers des interprétations d'un ‘islam talibanisé’"

Rapidement après le crime, les autorités de Lahore ont indiqué avoir interpellé le père de la mariée, Muhammad Azeem, et être à la recherche de deux de ses frères et trois de ses cousins. Mais cette annonce n’a pas calmé les esprits. ONG, féministes et activistes des droits de l’Homme ragent devant l'apathie quasi-généralisée que suscite cette affaire dans un pays où la loi interdit pourtant la tradition coriace des mariages forcés et les "crimes d'honneur".

"La police régulière du tribunal était mystérieusement absente des lieux du crime, elle a été incapable de prendre des mesures préventives, de protéger [la victime] et ce, malgré les précédents dans les cas de meurtres pour déshonneur", a déclaré à l'AFP Tahira Abdullah, une militante des droits de la femme. "Nous glissons irrémédiablement vers l'extrémisme et des interprétations non islamiques d'un ‘islam talibanisé’", a-t-elle ajouté.

1 000 femmes tuées pour “déshonneur” en 2013

"Les gens ont peur de parler car ils craignent d'être accusés de blasphème ou de propos contraires à l'islam", a constaté une autre militante féministe, Samina Rehman. Luttant elle aussi pour la cause des femmes, l'écrivain pakistanaise Bina Shah souligne, sur son site, que certains de ses compatriotes ingnorent toujours que dans la religion musulmane "une femme a le droit de choisir son mari".

En 2013, au Pakistan, près de 1 000 femmes ou adolescentes ont été tuées pour avoir "déshonoré" leur famille, selon la Commission nationale des droits de l'Homme, qui dénonce "l'impunité" dont jouissent les auteurs de ces meurtres peu rapportés dans la presse locale.

Un certain nombre de lois entrées en vigueur au début des années 2000 interdisent les mariages forcées et pénalisent les crimes d'honneur, mais ces textes se heurtent encore aujourd’hui à des coutumes ancestrales ou une interprétation étriquée de l'islam.

Avec AFP