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La série South Park se paye "le dictateur Trump" et franchit un cap dans la satire politique
South Park s'est attirée cette semaine les foudres de la Maison Blanche après la diffusion du premier épisode de sa nouvelle saison qui ridiculise sans pitié le président Donald Trump. Si ce n'est pas la première fois que le milliardaire se retrouve dans le viseur de la série animée, le ton employé par les créateurs, Matt Stone et Trey Parker, n'a jamais été aussi féroce.
Donald Trump au lit avec le diable dans le premier épisode de la saison 27 de South Park. © South Park / Paramount

Rien de tel pour comprendre l'Amérique qu'un épisode de South Park. Même si le monde a changé depuis la création de cette série culte en 1997, celle-ci est toujours considérée comme un bon baromètre du climat social et politique des États-Unis. Pour son grand retour à la télévision américaine, mercredi 23 juillet, à l'occasion de sa 27e saison, elle a une nouvelle fois marqué les esprits en dépeignant un pays obsédé par la religion, dirigé par un dictateur égocentrique, puéril et libidineux.

Alors que les deux auteurs Matt Stone et Trey Parker expliquaient l'an dernier ne plus savoir quoi dire sur Donald Trump, ils semblent avoir retrouvé l'inspiration devant le début de deuxième mandat frénétique du président américain. Dans le premier épisode de la nouvelle saison, intitulé "Sermon on the ‘Mount", Donald Trump, affublé d'un micro-pénis, partage son lit avec Satan et le supplie de coucher avec lui. "Tu n’as pas travaillé ! Tu as passé ton temps à faire de stupides memes et à glander", lui lance le démon avant de rejeter ses avances.

Dans cet épisode, Trump se dispute également avec le Premier ministre canadien, Mark Carney, à propos des droits de douane imposés au Canada : "Mais vous vous prenez pour quoi, un dictateur du Moyen-Orient ?", lance Mark Carney dans le Bureau ovale. 

Mais le moment le plus commenté est un court-métrage généré par intelligence artificielle qui repousse les limites du mauvais goût : il montre le président américain en surpoids titubant dans un désert. Une voix off le présente comme un Jésus des temps modernes. La parodie se termine avec un Trump nu et hagard, se roulant dans le sable alors que le narrateur déclare : "Trump. Son pénis est minuscule, mais son amour pour nous est immense".

Non seulement les auteurs Matt Stone et Trey Parker n'avaient jamais été aussi loin dans la caricature de Donald Trump, mais ils ont également franchi un cap dans la manière de le représenter. Depuis son premier mandat, en 2016, Donald Trump apparaissait dans la série sous les traits du personnage de Garrison, un instituteur de CE2 devenu président des États-Unis. Dans cette saison 27, les créateurs ont cette fois utilisé son vrai visage, coupé en deux, sur le même modèle que le personnage de Saddam Hussein.

"Vous voulez vraiment finir comme Colbert ?"

Inclassable politiquement, South Park s'en prend traditionnellement aussi bien aux conservateurs qu'aux progressistes, critiquant avec la même virulence les idées "woke" que le lobby des armes. Depuis trois décennies, la série a fait de ce ton irrévérencieux, voire nihiliste, sa marque de fabrique, multipliant les outrances et les crimes de lèse-majesté contre des personnalités publiques, comme en 2007, lorsque la série avait choqué le Royaume-Uni en mettant en scène un suicide de la reine d'Angleterre.

Après la diffusion de l'épisode "Sermon on the ‘Mount", une porte-parole de la Maison Blanche a fustigé, jeudi, une série qui "n'est plus pertinente depuis plus de 20 ans et se maintient à grand-peine avec des idées sans inspiration dans une tentative désespérée d'attirer l'attention".

South Park se porte en réalité comme un charme : Matt Stone et Trey Parker viennent de conclure un accord de 1,5 milliard de dollars avec Paramount pour diffuser la série pendant cinq ans.

Ce deal intervient cependant alors que le studio traverse une mauvaise passe. Paramount est pointé du doigt par la gauche américaine pour une série de décisions visant, selon elle, à amadouer le tempétueux milliardaire pour finaliser une fusion avec la société de production Skydance. Début juillet, Paramount a soldé un contentieux judiciaire avec Donald Trump concernant le montage d'une interview de Kamala Harris par CBS, puis annoncé la fin de l'émission "The Late Show with Stephen Colbert", dont l'animateur est très critique du président américain.

Un contexte que South Park, à la pointe du combat pour la liberté d'expression, ne s'est pas privé de rappeler dans son épisode. "Vous avez vu ce qui est arrivé à CBS ? Eh bien, devinez qui est propriétaire de CBS ? Paramount ! Vous voulez vraiment finir comme Colbert ? Vous devez arrêter d'être stupides. Fermez-la, ou on va se faire bannir, bande d'idiots !", lance le personnage de Jésus, envoyé par Trump au spectacle de fin d'année d'une école élémentaire car "ça fait partie de l'accord avec Paramount".

Allusions à l'affaire Epstein

Au-delà de l'humiliation subie par Donald Trump, certains commentateurs voient dans ces extraits un problème politique pour le président américain.

"La liste Epstein ? On va encore parler de ça ?", s'énerve son personnage dans la scène où il tente de coucher avec le diable, allusion limpide à l'affaire d'exploitation sexuelle de mineurs impliquant cette figure de la jet-set new-yorkaise qui s'est suicidée en prison en 2019. 

L'affaire a rebondi le 7 juillet quand le gouvernement américain a dit ne pas avoir de preuve de l'existence d'une liste secrète de clients du riche financier. Des propos qui ont suscité la colère de figures du mouvement MAGA de Donald Trump, persuadées depuis des années que les autorités protègent des personnalités de premier plan impliquées dans ce dossier.

Dix jours plus tard, le Wall Street Journal a enfoncé le clou avec la publication d'une lettre salace de Donald Trump adressée à son "ami" Jeffrey Epstein. Dans l'embarras, le président américain a porté plainte pour diffamation contre le quotidien des affaires, propriété du magnat des médias Rupert Murdoch, et tente désespérément depuis de détourner l'attention en multipliant des accusations contre l'ancien président Barack Obama, décrit en "chef de gang" ayant fomenté "un coup d'État".

Selon Politico, l'épisode de South Park est "le dernier signe en date que Trump a perdu le contrôle du récit autour de Jeffrey Epstein" rappelant que sa base continue de réclamer des comptes après ses promesses de transparence. "En 2024, Trump semblait maîtriser l'art de communiquer avec ce groupe en plein essor de jeunes américains désabusés évoluant sur Internet. Aujourd'hui, nous constatons que son contrôle sur ces espaces a ses limites [...] et qu'il commence à ressembler à tant d'autres politiciens".

Très actif sur son réseau Truth social, Donald Trump n'a pas encore réagi personnellement à sa caricature dans South Park. "On est vraiment désolés", a pour sa part commenté Trey Parker, le co-créateur de la série. Évidemment, c'était encore une blague.