Depuis trois mois, le Maroc s’est lancé dans une vaste campagne de régularisation des dizaines de milliers de sans-papiers qui vivent sur son territoire. Une opération complexe aux nombreux défis.
Il y a trois mois, le Royaume chérifien a lancé une vaste campagne pour délivrer des titres de séjour à des dizaines de milliers de sans-papiers, en majorité subsahariens. Si cette mesure est une première pour un pays du sud, elle ne rencontre qu'un succès mitigé. Après trois mois, à peine 200 migrants ont obtenu un titre de séjour. Et pour cause, difficile d'inciter ces clandestins venus d'Afrique à s'installer au Maroc, le pays reste une terre de passage vers l'Europe.
Parti de Kinshasa, Danga est au Maroc depuis huit ans. Il fait partie des tous premiers bénéficiaires de la campagne de régularisation. Et selon lui, les choses sont depuis bien plus simples. "Avant, même si tu connaissais le boulot, personne ne pouvait te prendre. Maintenant ça change tout, en plus on est respecté par les gens. Mon employeur n’a plus peur, il est rassuré, il sait que même s'il me laisse ici, personne va le déranger", explique-t-il.
À la préfecture de Rabat, on comptabilise 3 000 demandes de régularisation. Chaque jour, une soixantaine de dossiers sont déposés. Pour prétendre à un titre de séjour, il faut répondre au minimum à l’un des cinq critères établis.
Une fois la carte de séjour obtenue, les difficultés ne s'arrêtent pas là. Les migrants n'ont qu'un an pour s'intégrer dans la société, et trouver un emploi, la condition pour un renouvellement. Pour la société civile, c'est presque impossible.
"Est-ce qu’aujourd'hui, ces gens qui sont restés 5, 6, 10 ans sans emploi peuvent trouver du travail en une année seulement ? Je dis non. Il faut que l'État [permette], pour l'année prochaine, que les bénéficiaires de cette carte puissent la renouveler sans condition de renouvellement inscrit par la loi. Sans cela, cette opération sera vouée à l'échec", estime Marcel Amyeto, secrétaire général du syndicat ODT des travailleurs migrants.
Un parcours difficile
Avant de se confronter à ces démarches administratives fastidieuses, les migrants ont déjà fait face à de nombreux obstacles.
Oujda, à la frontière entre le Maroc et l’Algérie, est une ville de transit pour les migrants subsahariens. La communauté y est importante, mais peu d'entre eux souhaitent s'y installer définitivement. La régularisation ici ne compte pas beaucoup d'adeptes. D'ailleurs le bureau des étrangers, qui guide ces migrants dans leur demande de régularisation, ne reçoit en moyenne qu'une dizaine de personnes par jour.
"La plupart sont entrés de façon clandestine, sans passeport, donc ils n'arrivent pas à justifier leur présence au Maroc. Comme vous le savez, pour avoir cette carte d'immatriculation, il faut minimum 5 ans de résidence continue au Maroc", explique Majdouline El Hankouri, agent d'Autorité au bureau des étrangers d'Oujda.
Pour ces migrants d’Oudja comme pour la plupart des migrants du pays, le Maroc n’est tout simplement pas une option. Nombreux sont ceux qui poursuivent leur périple jusqu'à Nador, à 200 km de là. À la merci des intempéries, ceux qui veulent passer en Espagne par Melilla se retranchent sur les hauteurs de la ville. Traqués par la police, ils vivent dans la crainte quotidienne des arrestations.
Certains tenteront la traversée pour l’Europe à maintes reprises, au péril de leur vie et mettront parfois des années à y parvenir, sans garantie aucune pour leur avenir.