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Accord de Budapest : Obama est-il vraiment tenu de défendre l’Ukraine ?

Dépassé par l'intervention russe en Crimée, Barack Obama est tenu de réagir. Tous les regards sont désormais tournés vers les États-Unis qui, en tant que signataires du "Mémorandum de Budapest", doivent faire respecter la souveraineté de l'Ukraine.

Pris de vitesse par un Vladimir Poutine déterminé, l’administration Obama tarde à trouver une parade adéquate pour stopper l’interventionnisme russe en Ukraine. La réaction américaine est scrutée de près puisqu’il en va de la crédibilité du président américain, déjà entamée sur la scène internationale après sa volte-face sur les frappes contre le régime syrien et sa célèbre ligne rouge sur l’utilisation d’armes chimiques par Damas.

Jusqu’ici, Barack Obama s’est contenté de hausser le ton contre le maître du Kremlin, en déclarant que "les États-Unis seraient solidaires de la communauté internationale pour souligner qu'il y aura un coût à toute intervention militaire en Ukraine".
Pour autant, que peut vraiment faire Washington face à la défiance de Moscou, qui fait fi des mises en garde américaines et est sur le point de prendre le contrôle de la péninsule de Crimée à majorité russophone ? Et ce, sachant que l'option militaire est inenvisageable, le chef de la diplomatie américaine John Kerry ayant lui-même assuré que "la dernière chose que l'on veuille c'est l'option militaire dans ce genre de situation, nous voulons une résolution pacifique".
Un mémorandum non contraignant
De son côté, le Parlement ukrainien a rappelé au bon souvenir des États-Unis ses engagements qui découlent du "Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité", qu’il accuse Moscou d’avoir violé. Outre la Russie, alors dirigée par Boris Eltsine, ce texte est signé en 1994 par l'Ukraine, les États-Unis et le Royaume-Uni. Il s’agit d’un protocole diplomatique qui stipule que les signataires prennent des engagements les uns envers les autres dans le cadre de la dénucléarisation des anciennes républiques de l’URSS.
En échange de son adhésion au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et de la destruction de l’arsenal nucléaire placé sur son territoire par les Soviétiques, Kiev avait obtenu l'engagement des co-signataires à reconnaître et respecter l'intégrité, la souveraineté et les frontières existantes de l'Ukraine. Le deuxième article de l'accord prévoit que Moscou, Washington et Londres n'auront pas recours "à la menace ou la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance de l’Ukraine, et qu’aucune de leurs armes ne sera jamais utilisée contre l’Ukraine, sauf en cas de légitime défense ou en conformité avec la charte des Nations unies". Enfin, le texte oblige ces États à saisir le plus vite possible le Conseil de sécurité de l'ONU pour aider l'Ukraine au cas où celle-ci est victime d'un acte d'agression, et à se "consulter au cas où surviendrait une question concernant l'un ou l'autre des engagements" précités.
L'ex-Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko a estimé, lundi 3 mars, qu'en "occupant" la Crimée, la Russie avait déclaré la guerre non seulement à l'ex-république soviétique mais aussi aux États-Unis et au Royaume Uni, selon les termes de l'accord international signé il y a 20 ans. Toutefois, le "Mémorandum de Budapest" ne comporte aucune sanction ou mesure contraignante en cas de violation du texte par l’un de ses pays. "Ce texte donne aux signataires une justification pour agir, mais il n’oblige aucun des pays à mener une quelconque action en Ukraine", explique à FRANCE 24 Stephen MacFarlane, professeur de relations internationales et spécialiste de l’Europe de l’Est au St. Anne’s College, à Oxford.
Sanctions symboliques
Selon les experts, Washington ne peut qu’envisager des sanctions économiques ou politiques symboliques, comme par exemple le boycott du G8, prévu en juin à Sotchi. Vladimir Poutine "pourrait ne pas avoir de (sommet du) G8 à Sotchi, il pourrait même ne pas rester au sein du G8 si cela continue", a ainsi menacé John Kerry sur la chaîne de télévision NBC. Ce dernier, qui est attendu mardi à Kiev, a lancé des mises en garde d'"isolement" économique de Moscou, s'il ne retirait pas ses soldats de Crimée. 
D’ailleurs, des réunions à caractère économique et un voyage d'une délégation russe à Washington ont déjà été annulés, a souligné un autre haut responsable américain. Une réunion de coopération militaire est également en suspens. "Le G8 et quelques autres pays sont prêts à aller jusqu'au bout pour isoler la Russie en raison de cette invasion. Ils sont prêts à mettre en place des sanctions, ils sont prêts à isoler la Russie économiquement", a tonné John Kerry. Washington peut-il à ce sujet frapper aussi fort qu’il le souhaiterait ? Les Américains peuvent-ils s’offrir le luxe de se mettre à dos la Russie, dont ils ont tant besoin pour finaliser l’accord sur le nucléaire iranien et le bon déroulement de l’accord sur les armes chimiques syriennes ?
Reste à savoir quelle serait la réaction de Washington, si d’aventure, Vladimir Poutine décide, au-delà de la Crimée qui semble déjà perdue, d’étendre son intervention à la moitié Est du pays, majoritairement favorable à la Russie et hostile au nouveau pouvoir central ukrainien.
"Personne ne doit se faire d'illusion sur ce que le président Poutine est capable de faire", pas seulement en Crimée, mais dans l'ensemble du territoire ukrainien a prévenu John McCain, l’influent sénateur républicain et ancien rival de Barack Obama dans la course à la Maison Blanche. Or, le temps presse car les évènements semblent lui donner raison. Lundi, des éléments prorusses ont pris d'assaut l'administration régionale à Donetsk, grande ville de l'Est.