
Malgré un cessez-le-feu, les combats ont repris au Soudan du Sud entre forces loyalistes et rebelles. Sarah Sakho et Duncan Woodside se sont rendus à Malakal, deuxième ville du pays, reprise par les insurgés la semaine dernière. Reportage.
Le conflit qui a éclaté le 15 décembre à Juba, au Soudan du Sud, se poursuit malgré un cessez-le-feu signé le 23 janvier à Addis Abeba. Les affrontements meurtriers entre les partisans de du président Kiir et ceux de son ancien vice-président Riek Machar se sont étendus à tout le pays. La rivalité politique a cependant très vite pris une dangereuse tournure ethnique : plusieurs massacres à caractère communautaire opposant les deux principales tribus du pays, les Dinka de Kiir et les Nuer de Machar, ont été dénoncés. Les combats ont, jusqu'ici, fait plusieurs milliers de morts et chassé près de 900 000 personnes.
La semaine dernière, le camp pro-Machar a lancé une offensive sur Malakal, capitale de l'État pétrolier du Haut-Nil (nord-est). La deuxième plus grande ville du pays est maintenant une ville fantôme presque réduite à néant, ont constaté Sarah Sakho et Duncan Woodside, envoyés spéciaux de FRANCE 24.
"Ils ont pris de la nourriture, des vêtements et des femmes"
Il y a une semaine, des violents combats ont déchiré la cité. Des corps gisent encore le long des rues, des rebelles déambulent par petits groupes. Certains sont très jeunes et semblent à peine comprendre le combat qu’ils ont embrassé. L’un d’eux essaie de résumer : "On comprend un peu ce qu’il se passe : le vice-président et le président ont des désaccords entre eux. Alors ces soldats sont venus et ont tué ces gens – même des civils. C’est ça le problème."
Les rebelles ont achevé de détruire Malakal et ont abattu des civils jusque dans leur lit d’hôpital, rapportent nos journalistes. Une trentaine de personnes, encore traumatisées par les événements, ont trouvé refuge dans l’église de la ville. "Les rebelles sont venus. Ils ont pris de la nourriture, des vêtements et des femmes", explique Joseph Akieoyai, un déplacé.
Encadrés par les Nations unies, des humanitaires tentent d’évacuer des habitants encore terrés dans la ville. Une opération délicate étant donnée la sécurité très volatile. Ruben Stewart, coordinateur d’urgence au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies, témoigne : "Beaucoup de vieux et d’handicapés sont restés derrière parce qu’ils ne pouvaient pas courir quand leurs familles ont pris la fuite."
Les humanitaires doivent négocier avec les rebelles pour poursuivre leur tâche. "Vous pouvez continuer votre opération. On ne vous dérangera pas. Mais je vous préviens : je ne veux aucun élément ennemi parmi vous", lance un brigadier. Un officier des Nations unies se défend : "Nous ne collaborons jamais avec des groupes armés. Nous ne faisons que de l’humanitaire."
Un gradé des forces anti-gouvernementales, actuellement connues sous le nom de SPLA-in-Opposition (Sudan People's Liberation Army), intervient pour calmer la situation. Michael Wal Nyak, brigadier général , affiche ses ambitions : "Nous allons installer nos quartiers généraux ici à Malakal. Mais nos forces vont continuer à avancer." Alors que les forces loyalistes ont renforcé leurs positions au nord-est de la ville, certains parient encore sur une contre-attaque prochaine de l’armée.
Avec AFP