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Sur le ring du prestige, les César font figure de poids plume face aux lourds Oscars. Mais dans bien des domaines, la cérémonie française peut tirer son épingle du jeu. À quelques heures des deux grands raouts, FRANCE 24 compte les points.

Week-end chargé pour les amateurs d'émotions fortes. Comme chaque année, les industries du cinéma français et américain vont se livrer, à quelques jours d’intervalle, à ce sacro-saint exercice d’auto-célébration que cinéphiles et fans de "people" aiment tant suivre sur leur écran de télévision ou d’ordinateur. Face à la grosse machine hollywoodienne des Oscars (2 mars), le petit Poucet hexagonal des César (28 février) pèse bien peu de choses en termes de rayonnement international. FRANCE 24 a quand même voulu disputer le match du pot de terre contre le pot de fer. Rencontre en sept rounds.

Le plus regardé

La cérémonie américaine, 86e du nom, sera retransmise, dimanche 2 mars, par quelque 100 chaînes de télévision du monde entier. Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’audience mondiale du show (sûrement des centaines de millions), on sait qu’un peu plus de 40 millions d’Américains ont suivi la cérémonie sur ABC l’an passé. Le record, établi en 1998, s’élève à 55 millions de téléspectateurs américains.

Force est de constater que hors des frontières hexagonales, la cérémonie des César, retransmise sur la chaîne cryptée Canal Plus, ne suscite pas pareil engouement : seuls les cinéphiles des quelques pays où la chaîne est diffusée, pourront assister à la soirée de ce vendredi devant leur poste. En France, l’édition 2013 avait attiré plus de 2,5 millions téléspectateurs. On est loin du score américain. Oscar 1 – César 0.

Le plus glamour

Sans vouloir faire offense au chic français, là encore, les César ne boxent pas dans la même catégorie que son homologue américain. Pour preuve, plus de 500 journalistes sont attendus au bord du tapis rouge du Dolby Theater. Il faut dire que les photographes en auront pour leur compte (en banque). Cette année, l’escouade des sex-symbols en lice pour une récompense compte dans ses rangs Leonardo DiCaprio, Matthew McConaughey, Bradley Cooper, Michael Fassbender, Jared Leto, Cate Blanchett, Sandra Bullock, Jennifer Lawrence, Julia Roberts, pour ne citer qu’eux. Sans compter la légion de personnalités invitées sur la scène pour remettre les statuettes : Brad Pitt et sa compagne Angelina Jolie, Ewan McGregor, Penelope Cruz, Zac Efron, Naomi Watts…

Les César n’ont toutefois pas à rougir. Le couple formé par Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos dans "La Vie d’Adèle" (nommé huit fois) ne cesse, depuis l’attribution de la triple Palme d’or à Cannes, de faire le bonheur des photographes. Nul doute qu’ils sauront également se repaître de l’apparition attendue de Catherine Deneuve ("Elle s’en va"), Fanny Ardant ("Les Beaux Jours") et Bérénice Béjo ("Le Passé") sous les lustres du Théâtre du Châtelet. À moins que Julie Gayet ne domine complètement les débats. La comédienne, nommée dans la catégorie "meilleure actrice dans un second rôle", n’est pas encore apparue publiquement depuis la révélation dans la presse people de sa liaison présumée avec le président François Hollande.

Une armée de stars américaines face à un bataillon de vedettes françaises : Oscar 2 – César 0.

Le plus généreux

 Vingt-quatre récompenses (hors Oscars d’honneur) seront distribuées dimanche aux "professionnels de la profession" hollywoodiens contre 22 lors des César, deux jours plus tôt. L’académie française n’est toutefois pas la plus avare des deux puisque la valeur matérielle de la compression dessinée par le sculpteur César est évaluée à 1 500 euros contre à peine 630 euros pour la statuette.

Reste que les comédiens bouclant difficilement leur fin de mois préféreront toujours un Oscar, l’histoire ayant plusieurs fois démontré que la distinction américaine se revendait à prix d’or sous le manteau. Encore faut-il que sa valeur symbolique soit élevée : avec tout le respect qu’on doit à Margaret Furse, l’Oscar du meilleur costume qu’elle a reçu en 1970 pour "Anne des mille jours" ne s’adjugera évidemment pas au même prix que celui décerné au film "Autant en emporte le vent" en 1939. C’est Michael Jackson qui avait d’ailleurs fait l’acquisition de ce dernier en 1999 pour la modique somme de 1,54 million de dollars.

En termes de répercussions économiques, "l’effet César" vaut toutefois autant que "l’effet Oscar". Des nominations dans les catégories-phares peuvent permettre à un film, pour peu qu’il soit encore distribué en salle, de tripler ses entrées. Une loi qui, pour les César, s’applique presque uniquement sur le territoire français (ou francophone). Un long-métrage en lice pour un Oscar, en revanche, peut plus aisément s’offrir une seconde vie à l’international. Oscar 3 – César 0

Le plus cosmopolite

Difficile de critiquer l’esprit cocardier d’une cérémonie dont le but est de célébrer le génie créateur national. Catégorie "meilleur film étranger" mise à part, il arrive toutefois que l’une et l’autre académie couronne des réalisateurs et des comédien(ne)s venus d’autres pays.

Depuis sa création en 1929, les Oscars ont récompensé 14 cinéastes non-américains, pour la plupart britanniques, et ont offert le titre de meilleur acteur et actrice à une cinquantaine d’étrangers, dont Simone Signoret (1960), Marion Cotillard (2008) et Jean Dujardin (2012). Mais seules deux productions étrangères ont été sacrées "meilleur film" : "Le Dernier empereur", de Bernardo Bertolucci (1988) et "The Artist" de Michel Hazanavicius (2012).

Cette année, le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron ("Gravity"), l’actrice australienne Cate Blanchett ("Blue Jasmine") ainsi que les comédiens britanniques Christian Bale ("American Bluff") et Chiwetel Ejiofor ("12 Years a Slave") pourraient rejoindre la liste des étrangers oscarisés.

Côté français, on ne rechigne pas non plus à honorer les artistes d’ailleurs. L’Espagnol Sergi Lopez et l’Américain Adrien Brody ont tous deux reçu un César du meilleur acteur et cinq cinéastes étrangers ont été désignés "meilleur réalisateur", tel l’Autrichien Michael Haneke l’an passé pour "Amour". Et grâce à Roman Polanski, trois films en langue anglaise ont décroché le Graal français ("Tess", "Le Pianiste" et "The Ghost Writer"). 

Pour cette édition 2014, deux non-Français pourraient monter sur la scène du Châtelet : le réalisateur iranien Asghar Faradhi ("Le Passé") et l’acteur danois Mads Mikkelsen ("Michael Kohlhaas").

Mais la particularité de la cérémonie française est de saluer chaque année la carrière d’une star étrangère (le plus souvent américaine, il faut l’avouer). Après Kate Winslet et Kevin Costner, c’est Scarlett Johansson, désormais parisienne, qui recevra un César d’honneur des mains de Quentin Tarantino, lui-même récipiendaire du trophée en 2011. Égalité donc entre les deux raouts. Oscar 4 – César 1

Le plus cochon

On aura connu des Oscars un peu plus olé-olé. En terme de sensualité, la majorité des œuvres en lice cette année pour le sacre du meilleur film font preuve d’une certaine réserve. Dans "Gravity", Georges Clooney et Sandra Bullock flirtent tranquillement en combinaison de spationaute, dans "Her", Joaquin Phoenix tombe amoureux d’un ordinateur (qui, certes, a la voix de Scarlett Johansson) et le couple au centre de "Nebraska" a depuis longtemps célébré ses noces d’or. Quant aux thèmes abordés par "Capitaine Phillips" (piraterie en Somalie), "12 Years a Slave" (esclavagisme) ou "Philomena" (recherche d’un fils perdu), ils ne prêtent pas à la frivolité. Les plus fripons se consoleront néanmoins avec les séances de sexe dépravés du trader Leonardo diCaprio dans "Le Loup de Wall Street".

C’est donc chez ces libertins de Français que la sexualité sera cette année (encore) davantage célébrée. S’il y a peu de chances que la cérémonie des César vire à la bacchanale, il est fort probable en revanche qu’elle honore un film dans lequel le sexe et sa représentation à l’écran jouent un grand rôle. Parce qu’ils entretiennent un rapport décomplexé avec l’amour charnel, "La Vie d’Adèle", "L’Inconnu du lac" et, dans une moindre mesure, "La Vénus à la fourrure" dégageraient, en cas de sacre, un fort parfum d’érotisme dans l’atmosphère pour le moins compassé du Théâtre du Châtelet. Oscar 4 – César 2.

Le plus polémique

Aussi émouvantes soient-elles, les larmes de joie d'une jeune espoir reçevant un prix ont moins de chances de passer à la postérité qu'une bonne vieille controverse. L'Académie des Oscars se souvient encore de Marlon Brando envoyant en 1973 une jeune Apache à la tribune dire tout le mal qu’il pensait de l’industrie cinématographique hollywoodienne ou de Vanessa Redgrave défendant la cause palestinienne contre un "petit groupe de truands sionistes" en 1977.

Mais plus que la cérémonie elle-même, c'est la campagne la précédant qui amène généralement son lot de scandale, les producteurs n'hésitant pas à lancer des polémiques afin de minimiser les chances de leurs adversaires. Les accusations selon lesquelles "Zero Dark Thirty" (2012) légitimait l'usage de la torture en est l'exemple le plus récent.

Reste qu’en ce domaine les César demeurent le spécialiste. En son temps, Coluche faisait les délices du public en interpellant sardoniquement starlettes et ministres de la Culture forçant le sourire derrière leur nœud-papillon. Plus récemment, en 2012, Mathieu Kassovitz, dont le film "L'Ordre et la Morale" n'avait pas été nommé, a carrément insulté le cinéma français, tandis que, l'an passé, le producteur et distributeur Vincent Maraval plombait l'ambiance en publiant quelques semaines avant la cérémonies une tribune sur les trop hauts salaires des acteurs.

Cette année, les regards ne manqueront pas de se tourner vers Abdellatif Kechiche et Léa Seydoux. Après s'être invectivé par presse interposée, le réalisateur et l'actrice de "La Vie d'Adèle" auront-ils un petit mot pour l'autre en cas de remise de prix ? On n'en dort plus la nuit. Oscar 4 – César 3.

Le plus imprévisible

Bien malin celui qui peut affirmer qui de "12 Year a Slave", "Gravity" ou "American Bluff" fera main basse sur le plus de statuettes dimanche. Mais si, de l’avis de tous les observateurs, les Oscars sont particulièrement ouverts cette année, cela est loin d’être toujours le cas. Très régulièrement, un film estampillé "grand favori" opère une vraie razzia sur la cérémonie, ne laissant que peu de chances aux bookmakers de faire fortune sur un outsider. La faute, bien souvent, à la pléthore de récompenses, type Golden Globes, qui font office de prix annonciateurs. Hormis peut-être "Démineurs" en 2010, les Oscars ont, ces dernières années, laissé peu de place à la surprise.

Sans être une redoutable machine à suspens, les Césars peuvent se targuer d’être à l’origine de jolis petits coups que bien peu de personnes n’avaient vu venir.  Rares furent ceux en effet qui avaient misé un kopek sur le sacre de "Lady Chatterley" en 2007, de la victoire de "La Graine et le Mulet" sur "La Môme" en 2008 ou de la consécration de "Séraphine" en 2009.

Cette année, les fans inconditionnels de "La Vie d’Adèle" auraient toutes les raisons de croire que la triple Palme d’or du dernier festival de Cannes emporte tout sur son passage. Mais la guéguerre Kechiche-Seydoux qui a agité les gazettes plusieurs semaines durant a sûrement échaudés les votants, dont on rappelle qu’ils appartiennent tous au monde du cinéma. La comédie à succès "Les garçons et Guillaume, à table !", nommée 10 fois, pourrait jouer les trouble-fête. Les jeux sont donc ouverts. Oscar 4 – César 4.

Égalité parfaite donc entre les deux cérémonies .Les esprits chagrins objecteront que le choix des armes a quelque peu faussé l’issue du match. Ce sont les aléas de la compétition. Bonnes cérémonies ! 

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