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Renaud Lavillenie, le perchiste qui a battu l’imbattable

En franchissant une barre à 6,16 mètres en Ukraine, samedi soir, le Français Renaud Lavillenie a effacé le mythique record du monde du saut à la perche du tsar Sergueï Bubka. Retour sur la carrière d’un champion.

"Il va me falloir du temps pour redescendre sur Terre", a-t-il déclaré, hilare, au micro de BFM TV. Renaud Lavillenie, le perchiste français de 27 ans, qui a battu, samedi 15 février, le record du monde de saut à la perche, est encore dans les nuages. Et, on ne peut que l’inciter à y rester, tant l’exploit est historique. Du haut de son "petit" mètre 77, l’Auvergnat de poche a franchi 6,16 mètres sous les yeux du maître Sergueï Bubka. L’athlète ukrainien demeurait jusqu’alors le roi incontesté de la discipline depuis le 21 février 1993, date à laquelle il avait franchi 6,15 mètres.

Dès le passage de la barre, Renaud Lavillenie, qui n’avait pas encore touché terre, avait déjà ouvert les bras et serré les poings dans les airs, en signe de victoire. Le perchiste, qui avait déclaré quelques jours plus tôt se sentir capable de battre ce record, n’en est pas moins resté ébahi une fois la prouesse accomplie. Ivre de bonheur, il a bredouillé quelques mots aux caméras de télévision, un immense sourire aux lèvres : "Whaou…Ben…Ça va… C’est incroyable, quoi… Ouais.. Y’a rien à dire…"

Il y a au contraire beaucoup à dire sur cet étonnant athlète, désormais entré au panthéon de l’athlétisme. Champion olympique, champion du monde en salle, champion d'Europe (plein air et salle), le Clermontois possède un palmarès impressionnant. Il ne lui manque aujourd'hui que l’or des Mondiaux en plein air pour couronner une carrière impeccable. "Il est épatant. Il fait partie des gens à qui on est incapable de donner les limites", estime l'ancien numéro un français, Jean Galfione. "Faire mieux que Bubka, c'est comme aller plus vite qu'Usain Bolt, avoir de meilleures stats que Michael Jordan. Il détrône une légende."

Commentaire de Renaud Lavillenie sur son compte Twitter

RECORD DU MONDE!!!!!!!! 6m16 au premier essai!!! C'est incroyable, je suis encore dans les airs ...

— Renaud Lavillenie (@airlavillenie) February 15, 2014

Il faut dire que tout prédisposait Lavillenie à ce destin de champion. Dans la famille de l’athlète, la perche est sacrée. La discipline, reine. Le grand-père entraînait déjà le père et Renaud - qui a effectué son premier saut à 4 ans - et coache aujourd’hui son petit frère, Valentin. Les deux frangins ont d’ailleurs participé à leur toute première finale internationale en famille aux Mondiaux de Moscou en 2013. Renaud avait décroché l'argent. Valentin, 22 ans, avait fini bon dernier.

Mais depuis des années, le dimanche après-midi, quand d'autres font un simple barbecue en famille, les Lavillenie, eux, organisent des concours de perche sur le sautoir installé dans le jardin de Renaud. "Oui, c’est vrai, certains pensent que je suis un psychopathe", a confessé Renaud Lavillenie au micro de France 2.

"J’ai toujours eu confiance en moi"

Les débuts furent pourtant difficiles pour le champion. Enfant, il ne brille pas par ses performances. Adolescent, il peine à se distinguer dans la discipline. Ce n’est qu’en 2007 qu’il se fait remarquer pour la première fois à Niort, en sautant 5,45 mètres, ce qui le porte au rang de grand espoir français de sa discipline. Il est alors âgé de 19 ans. De là, sa carrière décolle et les titres ne cesseront plus de pleuvoir. En 2012, il devient champion olympique à Londres. La même année, il s’octroie un titre mondial en salle et une couronne européenne. Mais dès 2009, Renaud Lavillenie avait débuté sa moisson de médailles dans les grands championnats. Il compte à ce jour cinq titres continentaux et un total de 10 médailles en compétition internationale. Une collection à laquelle s’ajoutent sept championnats de France.

"J'ai toujours eu confiance en moi, mais ça m'a permis de prendre plus d'assurance dans ce que je faisais, de libérer les choses", reconnaît-il. "Je suis une pile qui ne se décharge jamais. Dans la vie, je vais toujours avoir l'envie de gagner. Pour la moto, le tennis, le basket, la piscine, le ping-pong. Dès que je fais quelque chose, je me mets à fond", déclarait-il en mai dernier.

Réaction de Sergeï Bubka sur son compte Twitter

So happy for Renaud. So happy it happened in my home city. Bravo Renaud

— Sergey Bubka (@sergey_bubka) February 15, 2014

Hors de sa passion, Renaud n’a jamais dévoilé les détails de sa vie privée. "L'homme, dans la vraie vie, c'est compliqué à décrire, je ne vais pas dire que je suis bordélique quand même", souriait-il au printemps dernier, en pensant sûrement à ce que dirait sur le sujet sa compagne Anaïs Poumarat, perchiste elle aussi. "Alors on va dire que je suis plutôt joyeux, plutôt optimiste dans tous les domaines."

Un optimisme peut-être un peu trop débordant. Après avoir savouré son record du monde, Renaud Lavillenie, sans doute grisé par son succès, a voulu essayer de marquer deux fois l’Histoire en une journée. Quelques instants plus tard, le perchiste a demandé à passer une "barre stratosphérique" - selon l’expression de "L’Équipe" – de 6,21m. Un défi encore prématuré : le recordman a brisé sa perche à l’impulsion et s’est blessé au pied dans la foulée. Mais qui sait ? Le Français a montré qu’il pouvait battre l'imbattable. Peut-être un jour tutoiera-t-il une nouvelle fois le ciel.