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Le Parlement belge a voté sans surprise, jeudi, le projet de loi autorisant l’euthanasie aux mineurs, largement soutenu par l'opinion. Ce texte, strictement encadré, concernera les enfants "dont les souffrances sont grandes" et la mort "imminente".

C’est une loi qui fera date. Alors que l’affaire Vincent Lambert divise encore la France, les députés belges ont définitivement adopté jeudi une loi étendant le champ légal de l'euthanasie aux mineurs atteints d'une maladie incurable, sans fixer d'âge minimum, 12 ans après l'avoir autorisée pour les adultes.l

La loi, déjà votée en décembre par le Sénat, a été approuvée par les députés à une majorité de 86 "pour", 44 "contre" et 12 abstentions. Elle entrera en vigueur dans les prochaines semaines.

Fort d’un consensus y compris dans les rangs de l’opposition, le projet de loi était largement soutenu par l'opinion. Le royaume, pourtant pétri d’une forte tradition catholique, devient ainsi le premier pays au monde à autoriser la mort assistée quel que soit l’âge du malade. Aujourd’hui, seuls les Pays-Bas l'autorisent pour les enfants âgés de douze ans au moins.

Le sénateur socialiste Philippe Mahoux, auteur de la loi ayant autorisé en 2002 l'euthanasie pour les adultes, estime qu'il faut répondre au souhait exprimé par des pédiatres et infirmiers confrontés à la "souffrance insupportable" d'enfants, à laquelle ils ne pouvaient répondre que dans l'illégalité. Trente-quatre médecins, des spécialistes, des juristes et des associations de tous bords avaient été auditionnés par les sénateurs, qui ont finalement écarté pour les mineurs les souffrances psychiques, qui sont prises en compte pour les adultes.

La "mort imminente" comme condition

Les partisans du texte insistent sur les "conditions strictes" prévues par la loi : le mineur devra se "trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance", être confronté à une "souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable". La capacité de l'enfant à comprendre le "côté irréversible de la mort", selon les mots d'une députée, sera estimée au cas par cas par l'équipe médicale et par un psychiatre ou un psychologue indépendant. Et si l'initiative de demander l'euthanasie vient de l'enfant, les parents devront donner leur consentement.

"Il ne s'agit pas d'injections létales pour enfants. Il s'agit d'enfants malades en phase terminale, dont la mort est imminente et dont les souffrances sont grandes", a fait valoir Carina Van Cauter, députée libérale flamande, a voté pour le projet. "Il y a des garde-fous clairs pour empêcher les abus".

Les instances religieuses vent debout contre le projet

De nombreuses voix s’élèvaient malgré tout. Les chrétiens-démocrates, bien que membres du gouvernement de coalition d'Elio Di Rupo, ainsi que l'extrême droite du Vlaams Belang, s'opposaient ainsi à cette initiative. Il en est de même pour les dirigeants religieux chrétiens, musulmans et juifs. L'archevêque de Bruxelles André-Joseph Léonard, chef de l'Église catholique de Belgique, a dénoncé le fait que l'État accorde aux mineurs une telle responsabilité alors qu'ils doivent attendre la majorité à 18 ans pour acquérir la plupart de leurs autres droits.

Dans la pratique, très peu de mineurs seront autorisés à mettre fin à leur vie, affirment néanmoins les défenseurs du texte. Depuis 2002, les Pays-Bas n'ont connu que cinq cas contre 2 000 à 4 000 cas d’adultes par an. Entre 2006 et 2012, seul un Belge âgé de moins de 20 ans a demandé à être euthanasié, alors qu'un millier d'adultes belges optent chaque année pour l'euthanasie.

Pour entrer en vigueur, la loi devra être promulguée par le roi Philippe. Hormis en Belgique et aux Pays-Bas, l'euthanasie active n'est légale qu'au Luxembourg. Le suicide médicalement assisté, dans lequel le patient concerné lui-même - et non le corps médical - doit s'administrer une dose létale, est autorisé en Suisse et dans les États américains du Montana, de l'Oregon, du Vermont et de Washington.

En France, la loi Leonetti de 2005 sur les droits des patients en fin de vie proscrit "l'obstination déraisonnable" et autorise dans certains cas l'euthanasie passive, c'est-à-dire l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation artificielles ou l'administration d'opiacés ou de sédatifs à haute dose.

Avec AFP et Reuters