Accusé par sa fille d’agression sexuelle lorsqu’elle avait 7 ans, Woody Allen a, lui aussi, pris la parole et nié en bloc ces allégations. Il s’agit selon lui d’une tentative de son ex-femme, Mia Farrow, de lui faire du tort.
"Ceci est mon dernier mot sur cette affaire”. Dans une lettre de 2 000 mots publiée par le “New York Times”, le réalisateur américain Woody Allen espère mettre un terme à l’étalage public de ses tribulations familiales. "Je n'ai évidemment pas agressé Dylan [Farrow, sa fille adoptive]. Je l'aime et j'espère qu'un jour, elle comprendra à quel point elle a été trompée au sujet de son père aimant et exploitée par une mère plus motivée par sa colère débordante que par le bien être de sa fille", peut-on lire sur le site web du quotidien.
Avec ces déclarations, Woody Allen fait valoir son droit de réponse après que Dylan Farrow, 28 ans, l’a formellement accusé - dans une tribune publiée par le "New York Times" le 1er février - de l’avoir agressée sexuellement. "Quand j'avais sept ans, Woody Allen m'a prise par la main, et m'a conduite dans un petit grenier mal éclairé au 2e étage de notre maison. Il m'a dit de m'allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Et il m'a agressée sexuellement", a-t-elle affirmé. La jeune femme de 28 ans est aujourd’hui mariée et vit, sous un autre nom, en Floride.
Vengeance de Mia Farrow, selon Woody Allen
Pour le cinéaste de 78 ans, ces allégations ont été fomentées par la mère de Dylan, l’actrice Mia Farrow, qui a partagé la vie de Woody Allen de 1980 à 1992 et tourné dans une douzaine de ses films. Le couple a volé en éclat lorsque la relation entre Woody Allen et l’une des filles adoptives, Soon-Yi Previn, a été révélée publiquement. Ils se sont mariés en 1997 et ont adopté deux petites filles. Une situation qui, selon le réalisateur, aurait conduit Mia Farrow - humiliée et folle de rage - à vouloir se venger à tout prix.
Les premières accusations d’agression sexuelle à l’encontre de Woody Allen remontent à 1992, durant la procédure de divorce avec Mia Farrow. L'actrice et le réalisateur étaient alors engagés dans une bataille judiciaire féroce pour la garde de leurs trois enfants. Après l'ouverture de l'enquête dans le Connecticut, où vivait la famille, un procureur avait estimé qu'il y avait des "raisons suffisantes" pour poursuivre Woody Allen, mais avait renoncé à le faire, jugeant la petite fille trop "fragile", une décision qui avait fait couler beaucoup d'encre.
Puis les allégations ont refait surface l’année dernière, dans une interview que Mia Farrow a accordé au magazine “Vanity Fair”. Quelques jours plus tard, l’actrice ne cachait plus sa haine contre Woody Allen et s’est même permis de la tweeter en pleine cérémonie des Golden Globes alors que le réalisateur était honoré pour l’ensemble de sa carrière.
Le tweet dénigrant de Mia Farrow au moment de la remise du Golden Globe de Woody Allen en janvier 2014
Time to grab some icecream & switch over to #GIRLS
— mia farrow (@MiaFarrow) 13 Janvier 2014Des documents contradictoires refont surface
Vengeance ou réalité ? Depuis plus de deux décennies, les éléments et les preuves se contredisent. Selon un rapport médical de l’hôpital Yale-New Haven, publié le 7 février par le site américain “Radar Online”, “Dylan n’a pas été sexuellement agressée par Woody Allen” le 4 août 1992. Le document, daté du 17 mars 1993, se penche aussi sur les raisons pour lesquelles la fillette aurait à l’époque accusé son père adoptif d’agression sexuelle. “Est-ce parce que c'est une enfant vulnérable, qui a grandi dans une famille perturbée ? Ou est-ce parce que Dylan a été influencée par sa mère ? Nous pensons que c'est une combinaison de deux hypothèses”, écrivent les experts de l’époque.
La veille de la publication de ce rapport, c’est le propre frère de Dylan, Moses, qui a mis en doute le récit de sa sœur : “Je ne sais pas si ma sœur croit vraiment qu’elle a été agressée ou si elle essaye de plaire à notre mère”, a-t-il déclaré au magazine “People”. La réaction de la principale intéressée ne s’est pas fait attendre : “Ma mère ne m’a jamais influencée. Elle ne m’a jamais mis de faux souvenirs dans le cerveau. Ces souvenirs sont les miens. Je m’en souviens.”
Une décision de justice datant de 1993, publiée également le 7 février par le “Huffington Post” cette fois, semble abonder dans le sens de la jeune femme. “Il n’y a aucune preuve crédible permettant d’établir que Mme Farrow a influencé sa fille ou cherché à se venger de la relation de M. Allen avec Soon-Yi. L’argument typique de la ‘femme trompée’ est une tentative de M. Allen de détourner l’attention de son échec à se comporter en père adulte et responsable”, peut-on lire dans le document d’une trentaine de pages mis à disposition par le site du “Huffington Post”. Depuis plus d’une semaine, les médias américains refont ainsi le procès du couple à coups de documents chocs. Mais le flou autour de l’affaire demeure le même.
Retour de la rumeur sur son fils et Franck Sinatra
Dans sa lettre ouverte, Woody Allen a également tenu à répondre aux rumeurs concernant la filiation biologique de son fils Ronan Farrow, né en 1987. Dans une interview en 2013, Mia Farrow avait sous-entendu que le seul fils biologique du cinéaste était "peut-être" le fruit de sa relation avec le chanteur Franck Sinatra, le "grand amour de sa vie". "Je vous l'accorde, il ressemble beaucoup à Frank [Sinatra] avec ses yeux bleus et les traits de son visage. Mais si c'est vrai, cela signifie que durant l'audition [au cours de sa procédure de divorce en 1992] sur la garde des enfants, Mia a menti sous serment et a présenté à tort Ronan comme notre fils", a expliqué le réalisateur, suggérant qu’elle l’avait ainsi trompé avec le célèbre chanteur américain. Cette suspicion, selon Woody Allen, doit pousser à "attirer l'attention sur l'intégrité et l'honnêteté d'une personne [comprendre Mia Farrow] qui mène sa vie ainsi."
En 20 ans, et en dépit des rebondissements glauques du scandale Allen/Farrow, l’image du cinéaste semble finalement avoir été peu ternie. Avec une carrière longue de 50 ans, plus de 40 films, 24 nominations aux Oscars et quatre statuettes, ainsi qu'une foultitude d’autres récompenses, Hollywood semble préférer fermer les yeux sur les déboires personnels de l’un de ses cinéastes phare. Son dernier film, “Blue Jasmine” - qui fait d’ailleurs partie des favoris dans la course aux Oscars - a reçu trois nominations (meilleure actrice pour Cate Blanchett, meilleur second rôle féminin pour Sally Hawkins et meilleur scénario original). Verdict le 2 mars...
Avec AFP et Reuters