
Confrontés à une pénurie des produits utilisés dans les injections létales des condamnés à mort, les élus de plusieurs États américains envisagent de revenir à d’anciennes méthodes comme la chaise électrique et la chambre à gaz.
Et si la chaise électrique faisait son grand retour en Virginie ? Cette méthode de mise à mort pourrait devenir, dans cet État américain, le mode d’exécution par défaut lorsque les barbituriques pour les injections létales viendront à manquer.
Si la chaise électrique revient ainsi sur le devant de la scène, c’est parce que la Virginie et plusieurs autres États américains tentent d’enrayer la pénurie de produits nécessaires aux exécutions. En cause : le nombre grandissant de laboratoires européens qui refusent d'approvisionner les services pénitentiaires américains, notamment en pentobarbital, l’une des principales substances utilisées.
La Chambre des représentants de Virginie a déjà approuvé, le 22 janvier, le projet de loi autorisant l'exécution à la chaise électrique. Le texte doit passer cette semaine entre les mains des sénateurs qui décideront ou non de son entrée en vigueur. La Virginie - qui est le second exécuteur du pays après le Texas - deviendrait alors le seul État américain à imposer la chaise électrique sur les 32 qui pratiquent la peine de mort. Sept autres États ont encore recours à l’électrocution mais uniquement sur demande du condamné.
Des exécutions ratées qui font polémique
Concernant la chaise électrique, le souvenir du témoignage de Ron McAndrew, ancien bourreau de Floride, reste encore vif dans les mémoires américaines. C’était en mars 1997. "Il y a eu un panache de fumée qui est apparu sous [le] casque [du condamné], suivi d'une longue flamme, une flamme qui venait juste devant mon visage (...) et puis énormément de fumée et encore plus de feu qui provenaient de la tête", raconte-t-il à l'AFP. "Pendant les onze minutes qui ont suivi, la pièce s'est remplie de fumée, nous brûlions le sommet de sa tête. C'est la pire fumée que j'aie jamais sentie." Traumatisé par la scène, il quitta son poste l’année suivante, dépressif.
Reste que, les injections létales - généralisées aux États-Unis depuis 1982 - font, elles aussi, de plus en plus débat. La pénurie de barbituriques conduit les autorités à chercher de nouveaux fournisseurs et à recourir à des produits méconnus. La récente exécution, le 16 janvier dans l’Ohio, du détenu Dennis MCGuire a d’ailleurs octroyé un argument supplémentaire aux détracteurs des injections létales. Cet Américain de 53 ans, coupable du meurtre en 1989 d’une jeune femme enceinte, a agonisé pendant 26 minutes - au lieu de 5 - avant que son cœur ne finisse par s’arrêter. Le cocktail médicamenteux composé pour son injection n’avait jamais été utilisé auparavant. "Il suffoquait, il bataillait pour respirer", a décrit la sœur de Dennis McGuire, présente le jour de l’exécution. La famille a porté plainte.
En 2006 et 2007 déjà, les cas de Joseph Clark et Christopher Newton, morts après 84 minutes de souffrances pour l’un et deux heures pour l’autre, ont déjà commencé à poser la question du traitement des condamnés à mort. Conformément au 8e amendement de la Constitution américaine, "les peines cruelles et inhabituelles" ne sont pas tolérées.
Chambre à gaz et peloton d’exécution
Face à cette situation, la chaise électrique n’est pas la seule méthode qui pourrait faire un retour remarqué. Dans le Missouri, le ministre de la Justice Chris Koster envisage, pour sa part, de réintroduire... la chambre à gaz. Selon cet ancien républicain passé démocrate en 2007, “le pouvoir législatif sera bientôt contraint de financer d'autres méthodes d'exécution pour rendre justice" car tous les “obstacles” générés par la méthode à injection ne font “qu’empêcher l'État de faire appliquer la peine capitale". Dans cet État, tout comme en Arizona et dans le Wyoming, la chambre à gaz demeure légale, si le condamné en fait le choix. Celui-ci est alors installé et sanglé sur une chaise dans un caisson transparent, avant que le gaz toxique cyanure d'hydrogène n’y soit introduit, provoquant une mort que l’on dit extrêmement violente. Sa dernière utilisation remonte au 3 mars 1999 en Arizona.
Dans le Missouri, encore, le député républicain Rick Brattin propose, quant à lui, de revenir au peloton d'exécution. Une méthode utilisée pour la dernière fois en 2010 dans l'Utah. Dans le Wyoming, où un seul détenu se trouve actuellement dans le couloir de la mort, cette même proposition, émanant du sénateur républicain Bruce Burns, doit être examinée à partir du 10 février. "Je considère la chambre à gaz cruelle et inhabituelle, donc je propose le peloton d'exécution car, en comparaison avec les autres méthodes, c'est franchement la moins chère pour l'État", a expliqué le sénateur républicain.
Des arguments pas assez convaincants pour Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC). "Il y a eu trop d'exécutions ratées, un retour en arrière serait considéré comme une régression [...] Si nous revenions à ces méthodes, nous aurions des histoires horribles et cela accélèrerait certainement la fin de la peine capitale", dit-il à l'AFP, estimant que ces pratiques ont finalement peu de chances d’être choisies ou imposées et encore moins d’être généralisées. Mais la symbolique est forte dans une Amérique où la pendaison reste encore possible dans trois États, sur demande du condamné. Et bien que chaque nouvelle condamnation à mort divise et attire son lot de contestataires abolitionnistes, la peine capitale reste à ce jour soutenue par une majorité (déclinante) d’Américains.
Avec AFP