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Un Bitcoin center vient d’ouvrir ses portes à New York afin d’informer le grand public sur cette intrigante monnaie virtuelle. Situé à deux pas de la Bourse américaine, l'organisation, à terme, souhaite peser davantage sur les marchés financiers.

“2014 est l’année du bitcoin”. C’est en tout cas ce qu’affirme le tout premier établissement physique - le Bitcoin Center - dédié à cette devise virtuelle permettant de payer et transférer de l’argent directement sans passer par une institution financière.

Situé en plein cœur de Manhattan, à 30 mètres à peine de la célèbre bourse de Wall Street, le Bitcoin Center a été inauguré en grande pompe il y a tout juste un mois, à l’occasion du passage à la nouvelle année. Documentation, cours d’introduction au bitcoin, conférences tenues par des experts et des traders… En quelques semaines, le centre est déjà très actif. “Notre but, pour l’instant, est surtout pédagogique. Nous accueillons toutes les personnes intéressées ou simplement curieuses d’en savoir plus sur le bitcoin”, affirme à FRANCE 24 James Barcia, directeur de communication du lieu, qui reconnaît que pour l’instant, les visiteurs - en majorité geeks dans l’âme - ont un profil assez similaire allant de trader à investisseur. Mais il en est convaincu, la communauté bitcoin “qui ne cesse de s’accroître” accrochera bientôt un public plus large.

Et à en juger par la belle ascension, en quelques années seulement, de cette monnaie alternative, l’histoire ne semble pas prête de s’arrêter. Récemment, le 21 janvier, deux hôtels-casinos de Las Vegas ont annoncé qu’ils acceptaient désormais les paiements en BTC à là réception, dans une boutique de souvenirs et dans deux restaurants. Une monnaie alternative chassant sur les terres incontestées du billet vert, en pleine capitale mondiale du jeu ? Tout un symbole. “Nous sommes évidemment ravis. Cela renforce notre devise et communique davantage nos valeurs au public. Cela permet également aux curieux de sauter le pas et d’acheter plus facilement leurs premiers bitcoins”, commente James Barcia.

Deux “papes” du bitcoin arrêtés pour blanchiment

Pascal De Lima n’est pas aussi enthousiaste. Joint par FRANCE 24, ce chef économiste au cabinet de conseil EconomicCell, ne croit absolument pas au bitcoin comme monnaie de substitution à l’euro ou au dollar. “Le principal défaut du bitcoin est qu’il ne remplit pas les trois fonctions principales de la monnaie. D’abord, ce n’est pas une monnaie d’épargne de valeur, mais juste une monnaie à très forte spéculation. Ensuite, la fonction de transaction commerciale, à savoir faire ses course par exemple, n’est pas généralisée. Et enfin, il ne s’agit pas d’une monnaie de confiance. Toutes les opérations sont cryptées et tout se passe dans l’anonymat le plus absolu”, explique-t-il, rappelant le côté volatile de cette devise qui a, malgré sa jeune existence, déjà subi des "mini-krachs boursiers."

Et ses réticences peuvent se comprendre. Depuis sa mise en circulation par un internaute anonyme en 2008, on ignore toujours qui est derrière le bitcoin. Aucune société bitcoin n’existe. Il ne s’agit pour l’heure que d’un projet collaboratif de logiciel libre comparable aux systèmes d’exploitation Linux. Une organisation aux contours flous qui accole encore une image “suspicieuse” autour de cette monnaie, souligne Pascal De Lima.

Et l’arrestation, le 27 janvier à New York, de deux “papes” du bitcoin poursuivis pour blanchiment d’argent ne va pas arranger les affaires des adeptes du BTC. Charlie Shrem, 24 ans, et Robert Faiella, 52 ans, sont accusés d'avoir vendu pour un million de dollars de bitcoins via une plateforme électronique clandestine. Celle-ci permettant ensuite aux internautes d’acheter des stupéfiants en ligne sans être repérés. Une affaire que James Barcia souhaite relativiser. “Les autorités connaissent déjà les abus potentiels liés à l’utilisation de bitcoins. Mais croyez-moi, le gouvernement est bien plus concerné, par exemple, par les camions chargés de petites coupures issues du trafic de drogues qui font la navette entre les États-Unis et le Mexique”, assure-t-il.

Régulation nécessaire des autorités financières

Reste toutefois, selon lui, à obtenir des licences et un cadre légal qui permettrait au bitcoin de se développer et de proposer des transactions à grande échelle. “Les autorités financières de l’État de New York procèdent actuellement [les 28 et 29 janvier, NDLR] à des audiences publiques pour examiner les régulations qui pourraient nous convenir”, annonce James Barcia, qui attend beaucoup de ces audiences. À l’issue de ces deux journées, les autorités pourront décider d’octroyer une “BitLicense” qui “normaliserait” les échanges commerciaux. “Ainsi, à terme, notre centre pourrait passer de simple organisation à une entreprise financière, à but lucratif, tout en conservant ses vertus pédagogiques.” En novembre déjà, les représentants de la Réserve fédérale américaine, de la Justice, des décideurs politiques et des services secrets avaient reconnu le fort potentiel de cette monnaie lors d'une audition devant le Sénat.

Pour l’heure, l’absence totale de régulation freine l’expansion du bitcoin, admet James Barcia. “Mais je nous prédis un avenir brilliant car, quoi qu’il arrive, le bitcoin est un protocole créé et utilisé par les internautes. Nous n’avons besoin de personne pour continuer”, assure-t-il.

Pascal De Lima estime, de son côté, que la régulation tant attendue n’aura pas lieu, les banques centrales risquant fortement de s’y opposer car il n’y a aucune maîtrise de l’inflation et que la politique monétaire pourrait s’en trouver quelque peu décrédibilisée. “Si le bitcoin s’en tient à de la micro-économie, c’est-à-dire de la relation acheteur/vendeur, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais en macro-économie, ce n’est pas du tout compatible”, estime l’économiste.

Nouvelles technologies poussées à l’extrême ou balbutiements d’une révolution de l’envergure de celle d'Internet ? Dans tous les cas, la querelle 2.0 des anciens et des modernes aura bien lieu.