, correspondant de FRANCE 24 en Argentine – Les Mères qui veulent savoir ce que sont devenus leurs fils disparus sous la dictature ont porté plainte devant le Conseil de la magistrature. Elles estiment que certains juges tardent à organiser les procès des crimes commis à l'époque.
Les juges cherchent à "déconscientiser le peuple argentin" : c’est par cette formule choc que Hebe de Bonafini, présidente de l’association des Mères de la place de Mai, a lancé sa charge contre la justice argentine, le 16 avril. Ce jour-là, l’association a porté plainte devant le Conseil de la magistrature argentin, citant nominalement trois juges pour "manquements à leurs devoirs".
Cette plainte fait suite à plusieurs dénonciations des organisations de défense des droits de l’homme pour retard dans la mise en place des procès pour crimes contre l’humanité des tortionnaires de la dernière dictature qu'a connu le pays, entre 1976 et 1983.
"Ils veulent nous diviser, explique Hebe de Bonafini, condamner les individus les uns après les autres, pour que la dimension institutionnelle du génocide se perde."
Depuis l’abolition des lois d’amnistie des crimes commis durant la "sale guerre" - confirmée par la Cour suprême en 2005 -, les différentes organisations de défense des droits de l’homme attendent la réouverture des procès des tortionnaires de l'époque.
Une dizaine d'entre eux sont notamment visés : des officiers de l’École des cadets de la marine (Esma), qui fut le quartier général de la répression. Quelque 5 000 personnes auraient été "questionnées" dans ses cachots. La justice argentine a regroupé les accusations portées contre eux dans une procédure globale appelée "mega-procès Esma".
Pour donner toute la dimension symbolique et juridique nécessaire aux procédures judiciaires en cours, les Mères de la place de Mai souhaitaient incorporer les crimes commis sous la dictature dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Mais les membres du tribunal n’ont pas accédé à cette demande. Ils ont aussi refusé d’intégrer l’association parmi les parties civiles.
Depuis près de trente ans, les Mères de la place de Mai se battent pour retrouver leurs enfants enlevés sous la dictature.
Sachant, le temps passant, qu'elles ne les reverraient pas, elles ont fait évoluer leur combat. Elles cherchent désormais à récupérer les corps des disparus et à obtenir justice.
Récemment, la lenteur de la justice argentine dans ce dossier a irrité la présidente de la République, Cristina Kirchner, qui est allé jusqu'à demander au pouvoir judiciaire de "retrousse(r) ses manches, sous peine de sanction disciplinaire".