La proposition de François Hollande de fusionner certains départements avec les régions n’est pas nouvelle. Évoqué depuis les années 1980, ce projet de réformes n’a jamais abouti, se heurtant à de nombreux obstacles. Éclairage.
L’idée d’alléger "le mille-feuille territorial" n’est pas nouvelle. En annonçant vouloir faire "évoluer le nombre des régions", le président de la République François Hollande a remis sur la table un dossier défendu à droite depuis plusieurs années. En 2009 déjà, le Comité Balladur pour la réforme des collectivités territoriales avait proposé de réduire le nombre régions métropolitaines de 22 à 15. Aujourd’hui, le député socialiste Thierry Mandon, en charge de la mission sur la simplification, reste sur ce même objectif et en évoque "une quinzaine".
Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales engagée par François Hollande, qui concernera les 27 régions, les 101 départements, les 36 600 communes et les 18 000 groupements intercommunaux de France. Tous seront incités à se rapprocher, se regrouper ou fusionner sur une base volontaire. Objectif : réduire les dépenses publiques. En 2002, les collectivités locales coûtaient 104 milliards d'euros avant d'atteindre 173,7 milliards en 2012, soit une hausse de 67 % en dix ans.
Concernant les régions, il serait question de fusionner les deux Normandie, d’éclater la Picardie entre l’Île-de-France et le Nord Pas-de-Calais, de rapprocher l’Alsace de la Lorraine, de réunir la Bourgogne et la Franche-Comté ainsi que l’Auvergne et la région Rhône-Alpes, et enfin de rattacher la Loire-Atlantique à la Bretagne. Mais ni le chef de l’État ni le gouvernement n’ont pris le risque de confirmer ce redécoupage géographique, afin de ne pas heurter les élus.
Premier à être monté au créneau, Jean-Marc Ayrault en personne : le maire de Nantes de 1989 à 2013 s'est déclaré, jeudi 16 janvier, opposé au rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, estimant que ce n'était "pas la bonne méthode. [...] On ne va pas prendre des bouts de région pour les mettre avec une autre", a-t-il indiqué.
Transfert des compétences
Cette fusion des régions réveille en effet les susceptibilités. "On s'est battu pour que la Picardie existe en tant que telle, quel que soit le gouvernement, de droite ou de gauche. Je poursuivrai cette bataille", a réagi Claude Gewerc, président (PS) de cette région. En 2009, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà signé la pétition "Touche pas à ma Picardie" pour éviter le démantèlement de la région.
Au-delà de l’attachement à l’identité régionale, les présidents de régions, du même bord politique que François Hollande, ne semblent guère convaincus par ce projet. La plupart d’entre eux estiment que pour dépenser moins, il faut d'abord redéfinir les rôles de chacun. À la tête du conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy (PS) préfère privilégier le transfert des compétences au redécoupage, notamment dans les domaines économique ou environnemental. "Les régions françaises n'ont que deux compétences exclusives : lycées et trains régionaux", a-t-il précisé. Toutes les autres compétences, telles que l'eau, la sécurité ou encore la voirie, sont gérées à la fois par les régions, les départements, l'intercommunalité et les communes.
Certains poussent même l’argument un peu plus loin en citant en exemple les pays en bonne santé économique, et dont les régions, souvent nombreuses, disposent de compétences élargies. "Regardez les pays qui réussissent le plus : ce sont les pays d’Europe du Nord", a déclaré, jeudi 16 janvier sur Europe 1, le président de l'Association des régions de France, Alain Rousset. Avant d’évoquer le cas de la Suède et de ses 21 comtés. Son voisin de Midi-Pyrénées Martin Malvy (PS) enfonce le clou. En Allemagne, "Neuf Länders sur 16 sont moins peuplés que Midi-Pyrénées, pourtant ils sont beaucoup plus forts".
"Bonus"
Patrick Le Lidec, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de la décentralisation, est sceptique sur la faisabilité de ce redécoupage. Ce n’est pas "un hasard si depuis le temps qu’on en parle, aucune région n’a fusionné et c'est loin d'être gagné", estime-t-il avant d’ajouter : "Les obstacles politiques et économiques sont trop nombreux pour atteindre cet objectif". En premier lieu, les présidents de région ne vont pas soutenir un processus qui pourrait conduire à leur perte. "Si les deux Normandie se rapprochent, qui resterait président de région ?" interroge le chercheur. D'autre part, si Caen ou Rouen perd son statut de chef-lieu, "l’impact ne sera pas sans conséquence sur l’emploi, les prix de l’immobilier, l’attractivité du chef-lieu", poursuit-il.
Seule une très forte incitation financière pourrait permettre d’y consentir, avance Patrick Le Lidec. Cet aspect a d’ailleurs été évoqué par le ministre du Budget Bernard Cazeneuve, qui a proposé d'accorder "un bonus" aux collectivités qui fusionnent ou se rapprochent. Mais aucun chiffre n’a été évoqué.