
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est opposé jeudi à la décision d'euthanasie passive prise par les médecins de Vincent Lambert, un tétraplégique en état de conscience minimale. Une décision qui fait polémique.
La décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est un coup dur pour les partisans de l'euthanasie. Jeudi 16 janvier, les neuf magistrats ont demandé au centre hospitalier de Reims de maintenir l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert, un tétraplégique de 38 ans en état de conscience minimale. Cette décision vient à l'encontre de l'avis médical pris le 11 janvier dernier, en accord avec la femme du patient et une partie de sa famille.
Interrogée par FRANCE 24, la présidente de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jacqueline Herremans, parle d'une "décision révoltante, incompréhensible et inhumaine". Elle regrette notamment "que les volontés de Vincent Lambert n'aient tout simplement pas été respectées". Avant même son accident de la circulation en 2008, le patient avait exprimé son souhait de ne pas se retrouver maintenu en vie artificiellement. Au cours de l'année 2013, il a aussi multiplié, d'après les médecins, des comportements d'opposition aux soins, "faisant suspecter un refus de vivre".
"L'obstination déraisonnable ne s'applique pas"
La justice, saisie par les parents de Vincent Lambert, qui souhaitent le maintenir en vie, a donc tranché en leur faveur. Le tribunal a "jugé que la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie" et a donc suspendu la décision d'interrompre le traitement.
Les avocats des parents ont réussi à convaincre les magistrats que Vincent Lambert n'est pas mourant mais handicapé, et que, par conséquent, "l'obstination déraisonnable", proscrite par la loi Leonetti de 2005, ne s'applique pas dans ce cas.
C'est un avis qui ne doit pas relever des magistrats, dénonce Jacqueline Herremans. En prenant cette décision, "les juges ont estimé que Vincent Lambert pouvait retrouver une qualité de vie", commente-t-elle. "Or, son état ne s'améliorera pas".
"C'est à la déontologie et à la profession médicale de définir la notion d'obstination déraisonnable. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que certains ont pris notre place", a surenchéri le chef du service de médecine palliative du CHU de Reims, Dr Kariger.
"La loi Leonetti ambigüe"
La décision du tribunal vient, ainsi, remettre en cause la loi Leonetti, s'inquiète Jacqueline Herremans. "Si la loi est soumise à plusieurs interprétations, cela signifie qu'elle n'est pas assez précise".
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a également reconnu que la loi actuelle "comporte des ambiguïtés qu'il faut lever, puisqu'on voit bien qu'il y a des appréciations différentes entre les médecins, la famille et les juges sur ce que cette loi permet de faire".
Interrogée sur la nouvelle loi prévue par le gouvernement sur la fin de vie, la ministre s'est refusée à fournir un calendrier précis.
En attendant, la décision de justice n'a pas mis un terme au conflit familial qui dure depuis neuf mois. L'épouse de Vincent Lambert, ainsi que son neveu, vont étudier la possibilité de déposer un recours auprès du Conseil d'État.