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Première victoire judiciaire contre les listes noires aériennes américaines

C’est une première : après une âpre bataille juridique, une Malaisienne a obtenu de la justice américaine qu'elle reconnaisse que son nom figurait "par erreur" sur la liste noire des personnes interdites de séjour sur le territoire américain.

Elle a gagné. Rahinah Ibrahim, une ressortissante malaisienne âgée de 48 ans, est devenue, mardi 14 janvier, la première personne à remporter une bataille juridique contre les autorités américaines qui l'avaient placée sur une liste de voyageurs privés du droit de mettre un pied aux États-Unis (“no-fly” list) pour des raisons de sécurité nationale.

Dans un résumé du jugement - l’intégralité du verdict reste secret jusqu’au 15 avril sur demande des autorités américaines - la cour a statué que Rahinah Ibrahim n’était pas une “menace pour la sécurité intérieure” et que son placement sur la liste noire résultait d’une “erreur administrative”.

Une décision qui pourrait faire date pour tous ceux qui pensent avoir été privés, par erreur, du jour au lendemain, du droit d’entrer aux États-Unis. En 2012, près de 20 000 noms ont été inscrits sur cette liste noire controversée, dont des milliers sans raison reconnaissent les compagnies aériennes.

C’est aussi, et surtout, pour Rahinah Ibrahim la fin d’une saga judiciaro-administrative de neuf ans. Dans son cas, le placement sur la liste noire semble avoir relevé d’une paranoïa post-11 septembre à laquelle s’ajoute un imbroglio administratif digne d’un roman kafkaïen.

Visa annulé

Le calvaire commence pour cette Malaisienne en janvier 2005. Elle est alors étudiante à l’Université de Stanford dans le cadre d’un programme d’échange universitaire et doit se rendre à Kuala Lumpur pour une conférence. À l’aéroport de San Francisco, son nom apparaît sur la liste noire lorsqu’elle tente d’embarquer. Coïncidence ou non, quelques semaines plus tôt, le FBI était venu l’interroger sur ses liens éventuels avec la Jemaah Islamiyah, un mouvement terroriste actif en Malaisie.

À l’aéroport, Rahinah Ibrahim est alors menottée et enfermée dans une salle pendant plus de deux heures. Finalement, le FBI la libère et lui signale que son nom a été ôté de la liste. On lui permet d'embarquer, mais un agent de l’aéroport relève que son nom figure toujours dans sa base de données des personnes privées du droit d’entrée sur le sol américain.

Lenteur de la mise à jour des fichiers ? Pas du tout. Deux mois plus tard, alors qu’elle doit retourner à Stanford pour ses études, elle apprend qu’elle est toujours persona non grata aux États-Unis. Rahinah Ibrahim demande aux autorités compétentes le retrait de son nom de la liste noire. La Transportation Security Administration (TSA - Administration de la sécurité des transports) lui répond... un an plus tard que sa demande est prise en compte.

Pourtant, elle ne peut toujours pas prendre un avion pour les États-Unis. Le département d’État a, en effet, annulé son visa d’étudiante car elle serait soupçonnée d’être liée à une activité terroriste. Rahinah Ibrahim n’a jamais obtenu gain de cause auprès de l'administration... jusqu’à ce procès, auquel elle n'a pu assister. Un cabinet d’avocats l’a représentée gracieusement, payant de sa poche plus de 3 millions de dollars de frais de justice.

Reste à savoir si cette victoire judiciaire ouvrira la voie à d’autres contestations ou s’il s’agit d’un “happy end” à l’américaine.