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Reportage : agressions en série d’opposants ukrainiens

La police ukrainienne évite, depuis fin novembre, d’être ouvertement violente envers les militants d’opposition sur la place Maïden de Kiev, où ils sont réunis. Mais à travers le pays, les agressions d’opposants se multiplient.

Dmytro Pylypets est à terre, au milieu d’une rue de Kharkov, une commune de l’est ukrainien. Ce leader du mouvement pro-européen de la ville vient de prendre plusieurs coups de couteau. Il est en sang. Une voiture s’arrête, l’embarque et lui permet de fuir ses agresseurs. Cette scène remonte au 24 décembre dernier.

Quelques heures plus tard, la journaliste Tetiana Tchornovol, qui enquêtait sur le patrimoine des membres du gouvernement, est passée à tabac sur une route de la proche banlieue de Kiev. Hospitalisée au service de soins intensifs de la capitale ukrainienne, la jeune femme est défigurée et souffre de nombreuses fractures et contusions.

Depuis la sinistre nuit du 29 au 30 novembre, au cours de laquelle la police a, à coups de matraque, évacué la place Maïdan de Kiev, épicentre de la contestation contre le gouvernement du pays, les autorités ukrainiennes se sont abstenues de toute démonstration publique de violence. Mais à l’instar des agressions contre Dmytro Pylypets et Tetiana Tchornovol, celles visant des activistes se comptent par dizaines.

À Kharkov par exemple, la mésaventure de Dmytro s'inscrit dans une série d’incidents mystérieux : les voitures de quatre autres activistes de la ville ont brûlé dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées.

Une centaine d’agressions depuis décembre

Le groupe de défense des droits de l’Homme de Khakrov a recensé toutes ces agressions contre des militants de l’opposition sur un site Internet. "Depuis début décembre, il y a plus d’une centaine d’incidents, en comptant les agressions contre les activistes pro-européens et les attaques contre leurs biens", note Yevhen Zakharov, membre du groupe de défense des droits de l’Homme de Kharkov

Dans cette série noire qui cible les opposants ukrainiens sur l’ensemble du territoire, les autorités du pays déclinent toute responsabilité et la police ne parvient à résoudre aucune de ces affaires d’agression, poursuit le militant.

Une impuissance qui ne surprend guère Dmytro Pylypets. "Ce n’est pas notre gouvernement qui est derrière tout ça, c’est plutôt notre voisin du Nord, la Russie, estime le jeune homme. Quelqu’un, là-bas, a peur que la contestation se propage à Khakov, car elle pourrait alors se répandre au-delà de la frontière et les gens, là-bas, pourraient se réveiller."

Pour Mykhailo Chechetov, député du Parti des régions au pouvoir, refuse toute accusation du pouvoir ou de Moscou. "Les voitures brûlées, ce n’est pas un geste politique, c’est du hooliganisme, estime l’élu. Quant à Tetiana Tchornovol, ce sont les néo-nazis qui l’ont agressée à cause d’un article qu’elle a écrit sur eux."

Le gouvernement, pour tenter de redorer leur image, a voté une amnistie visant à faire libérer tous les prisonniers politiques. En réalité, aucun n’est sorti de prison, commentent des militants d’opposition de Kharkov. Aujourd’hui, des dizaines de militants sont toujours sous le coup de poursuites judiciaires. Au moins cinq se trouvent sous les verrous sans aucun chef d’inculpation.