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Budget 2026 : la France pourra-t-elle échapper à une loi spéciale ?
Face à des désaccords qui semblent insurmontables entre les différentes forces politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’adoption des textes budgétaires avant la fin de l’année paraît peu probable. L’idée d’une loi spéciale fait de plus en plus son chemin. Tour d’horizon des différents scénarios.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu prononce son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale, le 14 octobre 2025. © Thibault Camus, AP

C’est une petite musique qui monte et se fait de plus en plus entendre. Beaucoup de parlementaires sont désormais convaincus que les budgets 2026 de l’État et de la Sécurité sociale ne seront pas votés avant le 31 décembre et que le gouvernement de Sébastien Lecornu sera contraint de passer par une loi spéciale.

Les dés sont-ils d’ores et déjà jetés ? Le Premier ministre veut croire que non et espère encore parvenir à un compromis avec les différentes forces politiques. Mais le temps est compté. Le Sénat se prononce, mercredi 26 novembre, sur une version totalement remaniée du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dont est notamment exclue la suspension de la réforme des retraites. Il y a donc peu d’espoir de voir la commission mixte paritaire (CMP), prévue dans la soirée entre députés et sénateurs, parvenir à aboutir à un texte commun.

Le constat est pire encore pour le projet de loi de finances (PLF) qui arrive jeudi au Sénat en première lecture après que sa partie "recettes" a été rejetée samedi à l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité – seul un député sur les 405 présents lors du vote a voté pour –, enterrant ainsi l’ensemble du texte, sans même étudier la partie "dépenses".

Alors que les prochains jours sont décisifs, France 24 fait le tour des différents scénarios sur la table.

  • Une loi spéciale pour poursuivre les discussions en 2026

Le nombre actuel de désaccords entre les forces politiques est tel que le Parlement se dirige a minima vers un second examen du PLF qui ne devrait pas aboutir avant le 31 décembre. Par conséquent, le scénario de la loi spéciale s’impose petit à petit comme le plus probable. Comme l’an dernier, celle-ci permettrait de collecter les impôts existants, à des organismes de s'endetter pour concourir au financement de la Sécurité sociale, et d'engager un minimum de dépenses nécessaires. Pendant ce temps, les discussions budgétaires se poursuivraient début 2026.

"Il vaut mieux une loi spéciale plutôt qu'un budget qui continuera à déclasser la France et à appauvrir les Français", a estimé samedi l'ex-ministre de l'Intérieur et patron du parti Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, après le rejet par l’Assemblée nationale du projet de budget de l'État.

Comme lui, de nombreux parlementaires ne croient pas à un compromis et estiment inévitable le vote d’une loi spéciale, dont la date limite pour le dépôt au Parlement est le 19 décembre. Mais la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a répondu dimanche sur LCI que la loi spéciale ne devait être considérée que comme un "parachute de dernier ressort", "un outil" pour éviter "le défaut" de paiement de l'État et des collectivités, qui permet de continuer à payer les créanciers, les fonctionnaires, les politiques sociales. Mais un tel texte signifie "pas d'économies, pas d'investissements, on se met dans une position où on s'affaiblit nous-mêmes", a-t-elle poursuivi. Brandir la loi spéciale aujourd'hui reviendrait à "acter dès maintenant qu'on n'est pas capable de se mettre d'accord" et "qu'on ne veut pas faire de compromis", selon la ministre.

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  • Un compromis entre le "socle commun" et le Parti socialiste

Le Premier ministre Sébastien Lecornu croit toujours un compromis possible, mais entend le provoquer en mettant les parlementaires face à leurs responsabilités sur des "priorités absolues". Lors d’une allocution depuis Matignon lundi matin, il a annoncé vouloir recevoir l'ensemble des formations politiques ainsi que les partenaires sociaux pour discuter de celles-ci, déclinées en cinq thèmes : le déficit, la réforme de l'État, l'énergie, l'agriculture, ainsi que la sécurité intérieure et extérieure. Le résultat de ces discussions pourrait donner lieu dans la foulée à des votes par thématique afin de créer "un cadre de compromis" ensuite sur le budget, a précisé Matignon.

Mais pour mettre la pression aux députés et sénateurs, le gouvernement saisira dès la semaine prochaine l'Assemblée nationale et le Sénat d'un vote spécifique sur la défense car, selon Sébastien Lecornu, les armées seraient "les premières victimes" d'un échec des discussions budgétaires, avec l'abandon de la hausse de 6 milliards d'euros de crédits prévue dans la loi de programmation militaire.

Cette stratégie fonctionnera-t-elle ? Le Premier ministre peut au moins compter sur la bonne volonté du premier secrétaire du Parti socialiste (PS) Olivier Faure. "Nous avons besoin de faire avancer le pays et je pense que nous allons y arriver", a déclaré ce dernier, mardi sur franceinfo, à propos d'une adoption des budgets de l'État et de la Sécurité sociale par le Parlement avant fin décembre.

"Ce serait quand même un vrai désastre que de voir un Parlement qui, pour la première fois depuis 1958, a la possibilité de travailler en liberté, sans 49.3, n'arrive pas à accoucher d'un budget", a-t-il argumenté. "Il ne s'agit pas de dire que nous allons trouver un consensus, il n'y aura pas, à la fin, des gens qui seront totalement heureux de ce budget", a défendu Olivier Faure, parlant finalement d'un budget "hybride".

Mais même dans ces conditions, il apparaît toutefois peu probable qu’un budget soit voté à la fois par LR et par le PS. Et si la droite faisait défaut, le gouvernement aurait alors besoin de l’abstention des écologistes et des communistes, ce qui est tout sauf gagné.

  • Le retour de l’article 49.3

Pour débloquer la situation et alors que le Premier ministre a promis de ne pas s’en servir, certaines voix, comme celle de l’ancien président de la République François Hollande, se font entendre pour réclamer l’utilisation du 49.3 afin d’adopter les textes budgétaires sans vote, sauf adoption d’une motion de censure.

"Il ne faut jamais se priver d'une disposition constitutionnelle", a déclaré sur BFMTV l’ancien chef de l’État redevenu député. "Si on disait qu'on s'en priverait pour toujours, oui ce serait une erreur. Si on disait aussi 'on ne va pas continuer à chercher un compromis', ce serait une erreur", a-t-il ajouté.

Avant lui, le rapporteur du PLF Philippe Juvin (LR) s’était lui aussi déclaré "favorable" à l’utilisation du 49.3. Certains estiment qu'il sera plus facile aux socialistes de ne pas censurer le gouvernement que de voter son budget, surtout si la question se pose en janvier. "Ce sera compliqué d'enclencher la machine censure, démission du Premier ministre, dissolution, à quelques semaines des municipales" qui auront lieu en mars, pense un cadre du bloc central cité par l’AFP.

Pour l'insoumis Éric Coquerel, qui accuse mercredi François Hollande d'être le "poisson pilote du PS pour trouver des pistes de 'compromis' avec le macronisme", cette option serait sérieusement envisagée par le chef du gouvernement. "Je me suis laissé dire que Sébastien Lecornu pourrait utiliser le 49.3 à condition que le PS lui demande officiellement et, évidemment, garantisse de ne pas voter la censure qui suivra", a-t-il écrit sur X.

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  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu renversé

L’utilisation du 49.3 entraînerait immédiatement le dépôt de plusieurs motions de censure en provenance de La France insoumise, du parti Les Écologistes, du Parti communiste et du Rassemblement national. L’Assemblée nationale aurait alors le choix entre laisser les textes budgétaires être adoptés sans vote ou renverser le Premier ministre et son gouvernement.

L’issue du vote serait sans doute très serrée, avec une poignée de socialistes et de députés LR ayant entre leurs mains l’avenir de Sébastien Lecornu et le sort du budget de l’État et du budget de la Sécurité sociale.

Le renversement du gouvernement plongerait à nouveau la France dans l’incertitude et dans une crise politique, replaçant le président Emmanuel Macron en première ligne. Un scénario qui ne tient pas la corde aujourd’hui, mais qu’il ne faut pas écarter. À 36 jours de la fin de l’année 2025, tout est encore possible.