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La Tunisie suspend son sort au "dialogue national"

Un conseil de ministres exceptionnel doit se tenir mercredi à Tunis pour ouvrir un "dialogue national", censé mettre un terme à la crise politique qui paralyse la Tunisie. Le chef du gouvernement islamiste doit y annoncer sa démission.

Deux ans exactement après l'arrivée au pouvoir d'Ennahda en Tunisie, les islamistes doivent ouvrir, mercredi 23 octobre, un mois de négociations avec leurs opposants, afin de résoudre la profonde crise politique, qui paralyse le pays depuis l’assassinat du député de l’opposition, Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier.  

Pour maintenir la pression sur les islamistes d'Ennahda, des centaines de manifestants d'opposition étaient rassemblés, en début d'après-midi, avenue Bourguiba à Tunis, haut lieu de la révolution de janvier 2011. Ils brandissaient des drapeaux tunisiens, et scandaient notamment des "dégage" ou encore "gouvernement de traîtres démissionne !" La mobilisation, en revanche, s'était affaiblie à la mi-journée.
" Les opposants ont décidé de marquer cette journée anniversaire et de faire pression pour que le dialogue national tant attendu commence enfin", explique Rym Makhlouti, correspondante de FRANCE 24 à Tunis.
 
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En vidéo : Rym Makhlouti, correspondante de FRANCE 24 en Tunisie
Le Premier ministre doit s’engager à démissionner
D'après le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar , le chef du gouvernement s'engagera à démissionner pour permettre l'ouverture dans l'après-midi du "dialogue national". Un premier pas vers une sortie de crise,  selon Riadh Sidaoui, directeur du centre arabe des recherches et analyse à Genève, qui appelle de ses vœux de nouvelles élections.
" Cela fait une année qu’Ennhada gouverne sans légitimité démocratique : tous les partis politiques avaient signé pour que l’assemblée constituante démissionne après le 23 octobre 2012 […].  Par ailleurs, le gouvernement aurait dû démissionner après le crime politique de Brahmi", explique à FRANCE 24 Riadh Sidaoui. Ce dernier estime qu’il y a deux oppositions, qui veulent le départ d’Ennahda : une opposition "politique professionnelle", et une autre "populaire".
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En vidéo : Interview de Riadh Sidaoui, directeur du centre arabe des recherches et analyse à Genève
Feuille de route du "dialogue national"
La promesse de démission du gouvernement est la première étape d'un calendrier d'un mois, rédigé par quatre médiateurs, dont le puissant syndicat UGTT, qui prévoit un accord de la classe politique sur l'ensemble des dossiers, bloquant la mise en place d'institutions pérennes près de trois ans après la révolution.
Les rivaux politiques, qui se réuniront pour la première fois mercredi, auront auront un mois pour faire adopter la Constitution, en cours d'élaboration depuis deux ans, une loi électorale ainsi qu'un calendrier pour les prochaines élections. Parallèlement, ils disposeront de trois semaines pour s'accorder sur la composition d'un gouvernement apolitique. Des technocrates que Riadh Sidaoui espère "neutres" : "on les trouve dans l’UGTT, dans les organisations et associations des droits de l’Homme. Il faut qu’il y ait un consensus autour de ces personnes."
Le lancement du "dialogue national" coïncide avec le deuxième anniversaire de l'élection de la Constituante, premier scrutin libre de l'histoire tunisienne qui avait porté les islamistes d'Ennahda au pouvoir. Ce parti, sévèrement réprimé sous le régime déchu de Ben Ali, a été considérablement affaibli ces derniers mois par l'essor d'une mouvance djihadiste armée, une économie anémique, ainsi que des accusations de laxisme vis-à-vis des islamistes radicaux et d'atteintes aux libertés publiques.
"En guerre contre le terrorisme"
L'opposition reproche avant tout à la coalition tripartite, dirigée par Ennahda, d'avoir laissé émerger des groupes armés djihadistes, responsables notamment de l'assassinat de deux opposants cette année - Chokri Belaid et Mohamed Brahmi -, et d'attaques contre les forces de l'ordre.
Les islamistes rejettent ces accusations, assurant être "en guerre contre le terrorisme". Ainsi, la semaine dernière une opération armée, déclenchée après que deux gendarmes ont été tués, s'est soldée par la mort de neuf combattants clandestins.
Mais le gouvernement se retrouve aussi face à une fronde au sein des forces de l'ordre, qui estiment être sous-équipées et mal protégées pour lutter contre les djihadistes. Des syndicats de policiers ont ainsi chassé vendredi le président Moncef Marzouki et le Premier ministre d'une cérémonie à la mémoire des gendarmes tués.