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Et si Leonarda payait le comportement de son père ?

Le rapport d’enquête administrative sur l’expulsion de Leonarda, rendu public samedi, ne fait état d’aucun vice de procédure. Les enquêteurs reviennent sur la journée du 9 octobre ainsi que sur la personnalité trouble du père de famille.

Les autorités françaises ont tranché. La jeune rom Leonarda expulsée vers le Kosovo pourra, si elle le souhaite, reprendre ses études en France. Mais seule. Sa famille, elle, devra rester à Mitrovica où elle a été expulsée au terme d’une procédure jugée légale après une enquête administrative, dont le rapport a été publié samedi 19 octobre.

Le document, long de 24 pages, revient sur le déroulé de la "procédure d’éloignement", le 9 octobre, de Leonarda Dibrani, de sa mère, Gemilja, et de ses cinq frères et sœurs, qui habitaient jusqu’alors à Levier, une commune du Doubs, dans l'est de la France.

Le père, Resat Dibrani, expliquent les enquêteurs, a été expulsé la veille, le 8 octobre. Il a été arrêté le 23 août à la gare Mulhouse par la police des frontières (PAF), sans titre de transport et sans papiers d’identité. Sa famille et lui se trouvent alors sous le coup d’un Ordre de quitter le territoire français (OQTF) depuis juin 2013. Ils avaient auparavant épuisé toutes les procédures possibles pour rester en France.

Portrait peu élogieux du père de famille

Le rapport d’enquête dresse un portrait peu flatteur du père de famille. L’homme a notamment été placé en garde à vue pour un cambriolage et un vol perpétré dans une déchetterie. Ses deux filles aînées ont affirmé avoir été victimes des violences de leur père et prises en charge par les services sociaux avant qu’elles ne retirent leurs accusations. Resat Dibrani a également, selon le rapport, insulté la directrice et le personnel de l’établissement qui hébergeait la famille. Il n’a, en outre, pas donné suite à plusieurs propositions d’embauche, le logement qu’il occupait aurait été sérieusement détérioré, ses enfants n’allaient pas régulièrement à l’école… 

Pour toutes ces raisons, explique le rapport, le préfet du Doubs a refusé un droit de séjour à la famille Dibrani, et plus spécialement au père, au motif que "son comportement général ne dénotait pas d’une réelle volonté de s’intégrer à la société française".

Les administrations du département du Doubs et du Haut-Rhin (où a été arrêté le père) ont assuré "que tout serait fait pour que les éloignements respectifs de M.Dibrani d’une part et de Mme Dibrani et des enfants d’autre part soient réalisés dans des délais les plus rapprochés possibles", afin que la famille ne reste pas séparée trop longtemps, explique le rapport d’enquête.

Leonarda ne se trouve pas dans l’appartement familial

Le 9 octobre à l’aube, une dizaine de gendarmes accompagnés de quatre membres de la police des frontières se présentent au domicile de Gemilja Dibrani. Les valises sont faites, la famille semble préparée au départ, notent les enquêteurs. Mais seuls cinq enfants se trouvent dans l’appartement. L’aînée, Leonarda, manque à l’appel.

Après environ 45 minutes de recherches, les gendarmes finissent par retrouver sa trace. Un appel sur son téléphone portable aura suffi : elle se trouve dans un car en partance pour Sochaux, dans le cadre d’une sortie scolaire à laquelle elle s’est inscrite la veille. Le capitaine de gendarmerie s’entretient alors avec l’une des enseignantes accompagnatrices. "Le capitaine lui a demandé fermement d’arrêter le bus et de s’assurer que la jeune fille ‘ne se sauve pas avant l’arrivée de la patrouille’", détaille le rapport d’enquête. Le bus se gare sur le parking d’une grande surface, à proximité d’un collège. L’enseignante, en contact avec la gendarmerie, emmène Leonarda dans l’établissement voisin "à l’abri des regards" et "pour éviter toute tension éventuelle, et prévenir des réactions émotionnelles ou intempestives de ses camarades", précise l’enquête. 

L’adolescente et l’enseignante sortent de la cour du collège "en voyant la voiture de police […]  se signalent alors auprès du fonctionnaire […] et demandent à pouvoir regagner la cour du collège pour rester à l’abri des regards. La police accède à leur requête" et explique la situation à Leonarda et son enseignante, poursuit le rapport. Sur demande de l’enseignante, Leonarda n’est introduite dans la voiture de la police aux frontières qu’une fois le car scolaire reparti. L’adolescente rejoint sa famille, tous partent alors pour l'aéroport de Lyon d'où ils décollent pour le Kosovo. La préfecture a été tenue au courant de toutes les péripéties.

Si le rapport d'enquête ne note aucune faute de procédure, il pointe en revanche le "manque de discernement" des forces de l'ordre, et recommande de proscrire dorénavant toutes les interventions pendant le temps scolaire. Des recommandations reprises à son compte par François Hollande ce samedi au cours d'une courte allocution télévisée.