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Leonarda, 15 ans, a été remise à la police le 9 octobre, et expulsée avec sa famille vers le Kosovo, alors qu’elle se trouvait à bord d’un bus scolaire. Manuel Valls assure "respecter le droit des étrangers", mais la gauche s’insurge.

Les semaines se suivent, et se ressemblent pour Manuel Valls, à nouveau sous le feu des critiques pour sa politique envers la communauté rom. Le ministre de l’Intérieur a été contraint, mardi 15 octobre dans la soirée, de s’expliquer sur les conditions d’expulsion d’une rom kosovare, âgée de 15 ans.

Ouverture d'une enquête administrative

Manuel Valls, a lancé, mercredi 16 octobre, une "enquête administrative" sur les conditions d'expulsion de Leonarda, a annoncé Matignon à l'AFP.

Jean-Marc Ayrault "s'est entretenu, dès ce matin [mercredi], avec le ministre de l'Intérieur sur les conditions d'éloignement de la famille de ressortissants kosovars, reconduite à la frontière le 9 octobre dernier par le préfet du Doubs", ont précisé les services du Premier ministre.

Les faits remontent au 9 octobre. Leonarda installée à Levier dans le Doubs fait l’objet, avec ses parents et ses cinq frères et soeurs, d'une obligation de quitter le territoire. Absente du domicile familial au moment de l’expulsion, l’adolescente a finalement été remise à la police, alors qu’elle se trouvait à bord d’un bus avec ses camarades de collège dans le cadre d'une sortie scolaire.

Fustigé par la gauche sur les conditions du départ de la jeune fille, Manuel Valls a affirmé appliquer "avec fermeté les décisions d'éloignement, tout en veillant scrupuleusement au respect des droits des étrangers, qui font l'objet d'une mesure d'éloignement". La famille avait été déboutée de toutes ses demandes d'asile.

“Lepénisation des esprits”

Mais pour David Assouline, le porte-parole du Parti socialiste (PS), "faire descendre d'un bus, par les forces de l'ordre, une élève devant l'ensemble de ses camarades de classe est insupportable et inacceptable", a-t-il estimé. Le député socialiste, Pouria Amirshahi, a exprimé, quant à lui, son "effroi", et demandé "le retour immédiat de Leonarda, ainsi que sa famille en France".

Même indignation du côté du Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon, qui a dénoncé la "politique inhumaine" du ministre de l'Intérieur. "Manuel Valls a beau jeu de décréter que les Roms ne veulent pas s'intégrer, alors même qu'il les pourchasse jusque dans les écoles", s'est insurgé le PG dans un communiqué, estimant que "la lepénisation des esprits a décidément pris ses quartiers place Beauvau".

Le récit de Manuel Valls

Dans la version de Manuel Valls, les faits ne se sont pas déroulés avec violence. Lorsque la police aux frontières du Doubs et la gendarmerie "se sont rendues au domicile de la mère et des enfants pour assurer leur retour au Kosovo", où le père de famille avait été expulsé la veille, elles ont constaté que "l'une des enfants était absente". "Un membre du comité de soutien de la famille a, en présence de la mère, appelé cette jeune fille sur son téléphone portable. Il a été convenu entre la famille, le représentant de son comité de soutien, l'enseignante en charge de la sortie scolaire et les forces de l'ordre de laisser la jeune fille sortir du bus, afin de lui permettre de rejoindre sa famille dans le cadre de l'exécution de la mesure d'éloignement", a précisé le ministre dans un communiqué.

"La jeune fille est descendue du bus pour attendre les fonctionnaires, qui sont venus la prendre en charge", a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de la préfecture du Doubs, Joël Mathurin, avait auparavant décrit ce déroulement des faits à l'AFP, assurant qu'il ne s'agissait pas "de l'arrestation d'une jeune fille dans sa classe". "Les choses se sont déroulées sans coercition, et sans incident. C'est un éloignement triste, mais tous les recours légaux avaient été utilisés", a assuré Joël Mathurin.

“Des pays qu'ils ne connaissent pas”

D’après le récit d'une enseignante présente dans le car, rendu public par le Réseau éducation sans frontières (RESF), c'est le maire de Levier, qui a téléphoné à l'adolescente, et demandé ensuite aux professeurs d'arrêter immédiatement le véhicule. "Je lui ai dit qu'il ne pouvait pas me demander une telle chose, car je trouvais ça totalement inhumain", a raconté cette enseignante, Madame Giacoma.

Selon ses dires, l'autocar s'est finalement arrêté sur le parking d'un autre établissement scolaire, où des policiers sont venus chercher la jeune fille, hors de vue de ses camarades.

Via un article mis en ligne par RESF, les professeurs du collège et du lycée de Pontarlier, où étaient scolarisées Leonarda et une des soeurs, se sont déclarés "profondément choqués par les méthodes utilisées pour renvoyer des enfants, issus de la minorité rom vers des pays qu'ils ne connaissent pas, et dont ils ne parlent pas la langue".

Avec dépêches