Suspendue deux ans par la fédération française de taekwondo après avoir déclaré qu'elle était victime de harcèlement, Marlène Harnois est de retour dans son pays d'origine, le Canada. La médaillée olympique va se reconstruire loin des "Bleus".
Il y a un peu plus d'un an, en août 2012, Marlène Harnois était accueillie comme une star à la Gare du Nord à Paris. Après avoir remporté la médaille de bronze en taekwondo aux Jeux olympiques de Londres, l'athlète savourait son bonheur avec les autres membres de l'équipe de France. Douze mois plus tard, la championne franco-québécoise a refait ses valises, mais dans l'anonymat le plus complet. Depuis moins d’une semaine, elle est rentrée définitivement à Montréal, la ville où elle est née il y a 26 ans. "Je suis chez ma mère car pour l’instant je n’ai pas de revenus. C’est un peu le retour à la case départ. Ce n’est jamais valorisant, même si je dois en passer par là pour mieux rebondir", raconte la jeune femme à FRANCE 24.
Le 3 octobre dernier en prenant un aller simple Paris-Montréal, la sportive a tiré un trait sur plus de 10 ans de sa vie. Après une suspension de deux ans par la fédération française à la suite de ses accusations d’harcèlement contre son entraîneur, elle a choisi de porter de nouveau les couleurs du Canada. Une décision déchirante pour une combattante qui a remporté de nombreux titres sous le maillot tricolore.
"J’avais le drapeau français dans ma chambre. Je me suis toujours battue pour faire résonner 'La Marseillaise'. En quittant la France, j’avais l’impression de renoncer à une partie de mon identité", explique la double championne d’Europe et vice-championne du monde par équipe, naturalisée française en 2008. "Quand on fait un sport olympique, on le fait vraiment par passion. Il n’y pas d’argent, pas de reconnaissance ni de glamour. Cela développe un vrai sentiment de fierté nationale."
"On a cherché à me salir"
Mais après quatre mois de vives tensions avec les dirigeants de sa fédération, Marlène Harnois n’a pas eu le choix. "J’ai tout perdu, confie-t-elle avec encore beaucoup d’émotion. J’ai eu des appels de menaces. On a cherché à me salir. Je me suis fait traiter de paumée, de dépressive. Ils ont tout fait pour me discréditer. Ils m’ont attaquée en justice en diffamation pour 40 000 euros. On m’a retiré des championnats du monde et viré de l’Insep [l'Institut national du sport, ndlr]. Il y a eu un acharnement".
Dans un entretien à l’AFP au mois de mai, l’athlète avait déclaré que l’entraîneur national Myriam Baverel, qui était à ses côtés lors des JO, lui infligeaient quotidiennement des pressions et des insultes. Marlène Harnois avait aussi expliqué que sa coach l’avait même poussé à contracter un mariage blanc en 2006 afin d’obtenir la nationalité française et d’intégrer la sélection tricolore. Même si ses propos, qualifiés de "mensongers" par la fédération, l’ont finalement conduit à quitter l’équipe de France, à se séparer de son fiancé et à perdre ses équipementiers, la sportive ne regrette rien : "Je referai la même chose. Si j’étais partie sans rien dire, j’aurais pu passer ma vie à me demander pourquoi je ne me suis pas battue pour les choses auxquelles je crois. Je me suis plantée, mais au moins j’ai eu ma réponse."
Fin août, après le rapport du ministère des Sports qui a conclu à "des dysfonctionnements", mais qui n’a pas démontré "de harcèlement", Marlène Harnois s’est sentie de nouveau abandonnée : "Quand j’ai su que le ministère n’allait pas contester la sanction, cela a été un coup fatal. Je ne pouvais rien faire de plus pour me battre".
Un nouveau blocage administratif
Après avoir finalement décidé de frapper à la porte de la fédération canadienne, la taekwondoïste estime être de nouveau soutenue. Même si elle s’est exilée pendant 10 ans, ses compatriotes ne lui en tiennent pas rigueur, selon elle : "Quand j’ai remporté la médaille à Londres, les Québécois étaient super contents. Pour eux, l’important, c’était de dire qu’une fille de chez eux avait réalisé son rêve."
Mais pour faire vibrer les supporters canadiens, Marlène Harnois va devoir patienter. Elle ne pourra prendre part à des compétitions internationales que si la fédération française lui signe une lettre de sortie. Interrogé lors de l’émission de télévision Stade 2, le président Roger Piarulli a d'ores et déjà annoncé qu’il ne comptait pas le faire : "Ce sont des accusations gravissimes, comment voulez-vous que je passe un coup de balai magique en disant on oublie tout et je te laisse partir là-bas ? Cela va être perçu comment dans l’opinion ?"
Écœurée par ce nouveau point de discorde, Marlène Harnois a dû mal à comprendre cet acharnement. "J’ai tout perdu. Je pars en exil pour me reconstruire et il cherche encore à me prendre en otage !", s’emporte-t-elle depuis Montréal. En attendant que le litige soit réglé par un éventuel arbitrage du Comité international olympique (CIO), la championne pourra toutefois participer à des meetings. Diminuée par ces mois de tensions, elle n’a désormais qu’un seul objectif : retrouver sa forme physique. "Je ne vais pas dire que demain je serai championne olympique car je dois me remettre à niveau. Mais j’ai une certitude : je vais faire tout mon possible pour être aux JO de Rio en 2016. Je vais me battre et m’entraîner !", annonce-t-elle avec rage.