Pour la première fois de son histoire, la Banque du Vatican a publié un rapport financier, nouvelle étape de l’opération transparence que l’Église catholique mène pour redorer le blason de son bras financier. Mais des zones d’ombre demeurent.
C’est une première en 71 ans d’existence. L’Institut pour les œuvres de religion (IOR) - plus connu sous l’appellation de Banque du Vatican - a publié son rapport financier annuel mercredi 2 octobre.
Un document qui révèle qu’en 2012, cette institution souvent critiquée pour son opacité a quadruplé son bénéfice, qui est passé de 20,2 millions d’euros à 86,6 millions d’euros. Une partie non-négligeable de cet argent, 54,7 millions d’euros, a servi au pape pour mener ses missions à travers le monde.
Ce rapport révèle également que l’IOR gère un peu plus de 7 milliards d'euros appartenant à près de 19 000 clients à travers le monde. Des clients "pour et en liaison avec le Vatican”. C’est-à-dire qu’il s’agit aussi bien du personnel ecclésiastique que de civils, tels que les diplomates, accrédités auprès du Saint Siège.
Cet inédit acte de transparence fait partie d’une vaste opération lancée depuis plus d’un an par l’Église pour tenter de redorer le blason de cette institution financière dont l’histoire a été plusieurs fois ternie par des scandales financiers et qui est soupçonnée d’avoir, par le passé, servie à blanchir l’argent de la mafia italienne. En juin 2013, encore, un prélat du Vatican et deux autres intermédiaires ont été arrêtés par la police italienne alors qu'ils essayaient de sortir illégalement 20 millions d’euros d’Italie.
Est-ce que la publication de ce rapport permet effectivement de battre en brèche la réputation d’opacité de l’IOR ? Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet de conseil Economiccell et expert du système bancaire, émet des doutes.
FRANCE 24 : Qu’est-ce que la lecture de ce rapport financier apprend sur le fonctionnement de la banque du Vatican ?
Pascal de Lima : Que le terme de banque est impropre. C’est vraiment un institut dont le rôle quasi-unique est de servir de coffre pour ses clients. L’IOR ne fait presque aucune des autres activités des banques traditionnelles, comme investir les fonds dans divers produits financiers ou faire des crédits. À la lecture du rapport, on a l’impression qu’elle est presque totalement absente des marchés financiers.
En revanche, pour une banque de dépôts, c’est un mastodonte. Elle gère plus de 6 milliards d’euros, ce qui est trois fois plus qu’une importante banque française. C’est d’ailleurs intéressant, car ce serait, d’après le rapport, un nain en terme de profits.
FRANCE 24 : Ce qui paraît logique, non ? Si elle ne sert que de coffre-fort, d’où proviennent les 86,6 millions de profits qu’elle a généré en 2012 ?
P. de L. : Ils proviennent exclusivement de la revalorisation des titres de l’État italien qu’elle possède. Elle a acheté de la dette italienne, et l’envolée des taux d’intérêt en 2012 a fait gagner beaucoup de valeur à ces obligations.
FRANCE 24 : Est-ce que ce rapport vous paraît apporter plus de transparence aux activités de la banque ?
P. de L. : Si on met de côté le fait qu’il a été publié, ce qui est important en soi, le rapport est loin de dissiper toutes les zones d’ombre sur le fonctionnement de l’IOR. Prenons par exemple les actifs immobiliers qui, d’après le document, ne s’élèvent qu’à 2 millions d’euros. Ce n’est absolument pas détaillé. En outre, généralement les banques de cette taille possèdent bien plus d’actifs immobiliers.
D'ailleurs, on ne comprend pas comment la banque estime la valeur de ses actifs. Ainsi, elle ne prend pas du tout en compte, comme doit le faire n’importe quelle institution financière, certains risques comme, par exemple, celui qui pèse sur la dette italienne. Il avait quand même été question l’année dernière que le pays fasse défaut sur certaines obligations. C’est quelque chose qui devrait figurer dans le rapport.
FRANCE 24 : Qu’en est-il de la prise en compte des normes comptables internationales, demandée par l’Europe ?
P. de L. : Dans l’ensemble, on a l’impression que la banque du Vatican fonctionne comme une immense niche fiscale qui n’a pas encore intégré les normes comptables internationales [elle a mandaté un cabinet américain en 2013 pour améliorer cet aspect des choses, NDLR]. L’IOR n’indique presque nullle part les crédits d’impôt et autres exonérations fiscales dont il bénéficie. Ainsi, l'Union européenne avait critiqué un crédit d'impôt sur les investissements immobiliers dont bénéficie la banque en Italie. Elle avait même demandé le remboursement d'un milliards d'euros d'arriérés. Finalement, l'Italie avait obtenu, en 2012, que l’IOR n'ait pas à payer cette somme, mais c’est une charge financière potentielle qui aurait dû figurer dans le rapport annuel.