Au lendemain du drame de Lampedusa, des médias italiens se prononcent en faveur de l'attribution du prix Nobel de la paix aux habitants de l'île pour leur aide apportée aux milliers de migrants qui débarquent chaque jour sur ce bout de rocher.
"J’y pense depuis ce matin : le prix Nobel de la paix, donnez-le à Lampedusa !" Dans l’éditorial du "Corriere della Sera" daté de ce vendredi 4 octobre, le journaliste italien Giangiacomo Schiavi a donné la parole à Francesco Pedilarco, un habitant de Lampedusa, cette parcelle d’Europe, située à 400 km au sud de la Sicile, où des immigrés africains viennent quasi quotidiennement s’échouer.
L’homme en question relance avec insistance l’idée "extraordinaire et un peu folle" de gratifier d’une reconnaissance internationale ce bout de terre "qui n’est jamais resté indifférent au désespoir des hommes". Car avant la tragédie de jeudi, où plus de 130 migrants ont péri dans le naufrage d’une embarcation clandestine, Lampedusa s’est, à de nombreuses reprises, illustrée dans l’assistance à des milliers de Tunisiens, Somaliens ou encore Érythréens qui ont fui, dans des conditions extrêmement précaires, leur pays d’origine. "Je suis sicilien et je ne peux que remercier le cœur généreux de la Sicile. Lampedusa est un exemple de notre fraternité", écrit-il.
"Extraordinaire démonstration de solidarité"
Twitter et un autre quotidien italien, "L'Espresso" ont ainsi relayé la requête. Le directeur du journal, Bruno Manfellotto, liste les raisons pour lesquelles Lampedusa mérite le Nobel :
1- La communauté de l’île - 6 300 habitants - met de côté sa vie privée et oublie ses intérêts [...] pour s'engager dans une extraordinaire démonstration de solidarité. C'est un peuple qui n'a jamais cessé d'être humain.
2- Lampedusa est aujourd'hui la passerelle la plus importante vers l'Europe. De l'autre côté de la Méditerranée, poussés par la faim, la douleur, les persécutions raciales, tribales ou religieuses, des centaines d'hommes, femmes et enfants risquent la mort pour gagner le droit de vivre.
3- Récompenser une île et ses habitants par une reconnaissance internationale très importante servirait également à réveiller l'Union européenne et la pousser à faire face au drame des populations entières de migrants qui ne peuvent pas être entre les mains de la seule générosité d'un seul pays ou même d’un petit rocher dans la mer.
"Cette honte doit cesser"
Aujourd’hui, à Lampedusa, le nombre d’immigrés en provenance d’Afrique dépasse largement les quelque 6 000 habitants de l’île. Au départ, l'idée de cette "nobélisation" est venue d'un journaliste, Fabrizio Gatti, connu pour ses articles sur l'immigration. Dans son papier "Pourquoi Lampedusa mérite le Nobel de la paix", publié le 3 octobre, il raconte comment, lors d’un reportage sur l'immigration, il a été stupéfait par l’humanité des habitants de Lampedusa.
Une nuit de septembre, il a été témoin d’un sauvetage d’un migrant, qui se débattait dans l’eau depuis plusieurs heures, par un habitant de Lampedusa. Ce dernier "a aidé [la victime] à gravir la falaise, a ôté sa chemise et s'est couché sur lui pour le réchauffer". C'était un électricien de l'île.
Dans son appel du "Corriere della Sera", Francesco Pedilarco reconnaît aussi "le courage et l’humanité" de cette petit île "toujours tournée vers les autres". "Mais aujourd’hui, insiste-t-il, après avoir retiré autant de cadavres de l’eau, nous devons demander plus. Nous donner le prix Nobel de la paix est une façon de rappeler au monde que cette honte doit cesser et que nous ne devons pas nous détourner d’une partie du monde."