Un groupe d’une soixantaine de migrants syriens bloque depuis plus de 24 heures un accès au terminal ferry à Calais. Ils dénoncent leurs conditions de vie en France et veulent gagner l’Angleterre. La plupart ont entamé une grève de la faim.
Ils ont fui la Syrie pour une vie meilleure mais en sont encore loin. Depuis mercredi 2 octobre à la mi-journée, un groupe de 65 migrants syriens bloque une passerelle d’accès au terminal ferry à Calais, dans le nord de la France. "Nous manifestons dans le port de Calais et nous ne partirons pas avant qu’ils nous laissent passer en Angleterre", affirment-ils dans un appel adressé aux autorités britanniques et françaises mercredi soir.
Selon Maël Galisson, coordinateur de la Plateforme de service aux migrants à Calais (PSM), une quarantaine d’entre eux a déjà entamé une grève de la faim. Ce qu’ils veulent : aller en Angleterre, quitter à tout prix la France dont ils dénoncent les conditions d’accueil. " Nous voulons demander l’asile en Angleterre, mais nous n’avons aucun moyen légal de traverser", poursuivent les auteurs du message qui exigent qu'une personne du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni "étudie"leur cas. "Ils ont déjà passé la nuit dehors et le mouvement continue en ce moment même", rapporte à FRANCE 24 Maël Galisson.
Au pied du mur
Assis par terre, en silence, ils brandissent des pancartes. Maël Galisson rapporte que sur l’un des écriteaux on peut lire "La mort en France ou l’Angleterre", sur un autre : "Aidez-nous Mr Cameron [le Premier ministre britannique, NDLR], nous sommes Syriens".
Médiateur de Médecins du monde, Mohamed Ouahab, présent sur les lieux du sit-in, explique à FRANCE 24 que "ces Syriens ont décidé de mener cette action parce qu’ils sont au pied du mur, ils n’en peuvent plus". Et de décrire les conditions de vie "indignes" dans lesquelles ils évoluent depuis leur arrivée en France il y a plusieurs semaines. "Cela n’a pas été très médiatisé, mais il y a eu plusieurs évacuations musclées de lieux de vie dans lesquels des familles syriennes avaient trouvé refuge", raconte-t-il. Ces expulsions ont souvent eu lieu sans la procédure judiciaire requise quand un lieu est occupé depuis plus de 48 heures.
Nombre d’associations d’aide aux migrants se sont élevées ces derniers mois pour alerter sur le manque de moyens déployés par la France pour venir en aide aux réfugiés syriens. Interrogé par FRANCE 24 début septembre, Pierre Henry, le directeur général de France Terre d’Asile (FTA), déplorait que les autorités françaises ne fassent pas plus pour les demandeurs d’asile syriens à l’instar d’autres pays européens comme l’Allemagne, la Suède ou encore l’Autriche. Il avait notamment rappelé que des dispositifs, qui avaient été mis en place en 2001 pour faire face à l’afflux de réfugiés lors de la guerre du Kosovo, pourraient être réutilisés dans le cas syrien.
Face aux conditions difficiles qu’ils ont connues depuis leur arrivée dans l’Hexagone, le groupe de Calais est clair. Aucun d’eux ne veut demander asile à la France. "Nous n’attendons rien des autorités françaises, la police ici nous a véritablement traqués", raconte à FRANCE 24 Mohamed al Kayed, l’un des meneurs du mouvement aujourd’hui en grève de la faim. "Nous tous ici nous avons de la famille et des amis en Angleterre, et là-bas des Syriens ont pu obtenir le statut de réfugiés en à peine un mois", relate l’homme, à bout de force, qui a quitté il y a déjà plus d’un an Deraa, sa ville d’origine, berceau de la contestation dans le sud de la Syrie.
Risque d’évacution
Cité par "La Voix du Nord", le préfet du Pas-de-Calais Denis Robin a affirmé qu’aucune évacuation n’était prévue pour le moment. "Même s’ils ne bloquent pas le port, ils ne peuvent pas rester là indéfiniment. Si la situation ne se règle pas d’elle-même nous serons obligés d’intervenir", a-t-il estimé, rappelant qu’il ne lui revenait pas d’accéder ou non à leur demande de gagner l’Angleterre.
Selon Maël Galisson, "en théorie les autorités britanniques pourraient accepter d’accorder des visas à tous ces Syriens et leur permettre de gagner l’Angleterre pour déposer leurs demandes". "Ces gens demandent légitimement la protection de l’Europe", rappelle-t-il.
Reste qu’aujourd’hui, et au vu de la situation, Mohamed Ouahab ne cache pas son inquiétude. "Ils sont dehors, et il a déjà plu cet après-midi", explique-t-il, précisant que le groupe compte sept enfants et plusieurs femmes dont une est enceinte. Avec son organisation et d’autres présentes sur place comme le Secours catholique ou encore l’association locale la Marmite aux idées, ils tentent d’aider aux mieux ces Syriens. "On leur a donné des couvertures, des bâches et des sacs de couchage. Deux tentes ont été installées pour les femmes et les enfants, raconte-t-il. Mais c’est évidemment dérisoire."