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Peer Steinbrück, le bon candidat de la gauche au mauvais moment ?

Face à la chancelière allemande Angela Merkel, Peer Steinbrück semble avoir peu de chance, malgré ses tentatives de faire parler de lui. Pourtant tous s'accordent à dire que le candidat de la SPD est compétent.

L’Allemagne risque de se souvenir de Peer Steinbrück comme le “Monsieur Gaffe” de la campagne électorale 2012. Le candidat du SPD, qui cherche à détrôner Angela Merkel, dimanche 22 septembre, a multiplié ces derniers mois les faux pas, et semble mal parti pour faire vaciller celle qui brigue son troisième mandat de chancelière à la tête de la première puissance économique en Europe. Lors des derniers sondages, début septembre, la CDU d’Angela Merkel avait un avantage de quinze points sur le SPD.

La dernière “bourde” du candidat de centre-gauche : avoir posé en faisant un doigt d’honneur, à deux semaines du scrutin, pour le grand quotidien de centre-gauche “Süddeutsche Zeitung”. Une provocation qui a engendré un tollé médiatique aussi bien en Allemagne qu’à l’international. Avant cela, déjà, Peer Steinbrück, 66 ans et éminent économiste, s’était illustré par son franc-parler, pour les plus compréhensifs, ou ses dérapages, pour ses détracteurs. Il s’était ainsi vanté de ne jamais acheter de vins à moins de 5 euros, une affirmation jugée malvenue dans le pays roi du “hard discount”, où les inégalités progressent. Il avait également semblé déconnecté des réalités économiques de son pays, très à cheval sur la rigueur budgétaire, en affirmant que le salaire du chancelier devrait être plus élevé. Enfin, il avait laissé entendre que, si Angela Merkel montrait aussi peu de compassion pour les pays du sud de l’Europe, c’était en raison de ses origines est-allemandes.

Autant de sorties controversées qui cadrent mal avec le personnage. Réputé joueur d’échec averti, bon orateur et économiste sérieux, Peer Steinbrück n’a pas le profil du serial-gaffeur. À tel point que certains observateurs, comme le quotidien conservateur "Frankfurter Allgemeine", se demandent s’il n’y a pas une part de calcul dans ce franc-parler qui frôle à chaque fois l’erreur politique. Une manière de sortir la campagne de sa torpeur : le non intérêt des électeurs joue en pleine faveur d'Angela Merkel.

Une compétence reconnue par tous

Mais si les supposées bourdes de Peer Steinbrück lui assurent, à chaque fois, une certaine notoriété politique, elles font passer au second plan ce qui apparaît comme sa principale qualité : sa compétence, en particulier, dans le domaine économique. Le candidat du SPD, né en 1947 à Hambourg, a été ministre allemand des Finances au début de la crise économique. À l’époque, il travaillait main dans la main avec Angela Merkel, au sein de la “grande coalition” (CDU-SPD) de 2005 à 2009.

Sa gestion des premiers temps de la crise économique est, pour beaucoup, l’une des principales raisons pour laquelle l’économie allemande se porte aussi bien aujourd’hui. Peer Steinbrück est l’un des premiers politiciens à avoir défendu, au niveau national comme sur la scène internationale, des idées comme la séparation stricte des activités bancaires (dépôts d’un côté, investissements de l’autre). Il a aussi plaidé pour une plus grande régulation des marchés financiers, tout comme pour la mise en place d’un système de fonds de soutien européen pour les économies les plus fragiles. Autant de thèses qui rencontrent aujourd’hui un large consensus, mais qui, à l’époque, ne lui ont pas valu beaucoup d’applaudissements, notamment du milieu des affaires.

L’ancien cancre - Peer Steinbrück a accumulé les mauvaises notes au lycée et a dû redoubler deux fois - a donc déjà pris une forme de revanche sur son passé, en participant au redressement économique de son pays. Mais cet exploit lui barre peut-être l’accès à la plus haute fonction allemande. Difficile, en effet, pour lui de critiquer la politique économique d’Angela Merkel. Non seulement, une majorité d’Allemands en sont satisfaits, mais en plus, il a contribué à la façonner.