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Domenico Quirico, le journaliste libéré de Syrie qui bouscule l’image de la rébellion

Après cinq mois de détention en Syrie, le journaliste italien Domenico Quirico a fait du récit de sa captivité un témoignage à charge contre les groupes rebelles. Un compte-rendu qui donne une image surprenante de certains insurgés.

Largement partagé sur les réseaux sociaux, le récit de la captivité du journaliste italien Domenico Quirico, libéré dimanche 8 septembre de Syrie au terme de cinq mois de captivité, écorne l’image des rebelles engagés contre l’armée de Bachar al-Assad. Au-delà de la description des conditions inhumaines de détention, l’envoyé spécial âgé de 62 ans s’attarde en effet sur l’identité de ses ravisseurs, des insurgés auxquels l’Occident fait confiance, selon lui.

Dans ce témoignage paru mardi 10 septembre, au lendemain de son retour en Italie, dans le journal "La Stampa" et traduit dans les colonnes du "Monde", Domenico Quirico explique avoir été capturé à Qousseir, avec son compagnon d’infortune - un enseignant belge - par un groupe de rebelles dirigé par un certain Abou Omar. "Cet Abou Omar couvre ses trafics et activités illicites d'un vernis d'islamisme et collabore avec le groupe qui nous a récupérés ensuite, al-Farouk," affirme-t-il.

Ce groupe al-Farouk, "c’est précisément ceux que la communauté internationale aide," réagit l’ancienne otage en Irak Florence Aubenas, contactée par FRANCE 24, tout en précisant que ce témoignage, qualifié de "récit journalistique", pourrait modifier les regards portés sur les rebelles.

Brigade indépendante formée en octobre 2012, la faction al-Farouk, connue notamment pour avoir combattu l’armée de Bachar al-Assad dans le quartier de Baba Amr, à Homs, fin 2011, est indirectement considérée comme crédible par les gouvernements européens, en raison de son appartenance au Conseil national syrien (CNS). Et ce malgré des accusations d’exactions émises envers elle. Domenico Quirico n’hésite pas, lui, à dénoncer ce groupe, le jugeant "emblématique d'un phénomène nouveau et préoccupant pour la révolution : l'émergence de bandes de malfrats".

"Plus bandits qu'islamistes ou révolutionnaires"

De fait, l’envoyé spécial de "La Stampa" décrit les membres de cette faction comme des "laissés-pour-compte du régime mafieux syrien", "plus bandits qu'islamistes ou révolutionnaires", ajoutant qu’ils sont prêts à "rançonner la population, enlever des gens et se remplir les poches".

Expliquant avoir littéralement "végété" pendant ces mois de détention, Domenico Quirico dévoile les habitudes banales de ses ravisseurs qu'il a eu le loisir d'observer. "Les jeunes déséquilibrés [qui constituent le groupe] mènent une vie communautaire, sans femme ; ils ne font rien et passent leurs journées allongés sur des matelas à boire du maté," illustre-t-il. "Ils regardaient la télévision mais les informations ne les intéressaient absolument pas. Ce qu'ils aimaient bien, en revanche, c'était les petits films vaguement osés diffusés par la télévision qatarie, les vieux films égyptiens à l'eau de rose des années 1950 en noir et blanc et les spectacles de combat."

Le journaliste porte par ailleurs un regard inattendu sur la cellule islamiste Jabhat Al-Nosra, un groupe affilié à al-Qaïda au sein duquel il a été retenu pendant une semaine. "C'est le seul moment où nous avons été traités comme des êtres humains," déclare-t-il. Là encore, une vision aux antipodes de celles habituellement véhiculées sur le plan international, le Front al-Nosra étant considéré, depuis mai 2013, comme une organisation terroriste par le Conseil de sécurité de l'ONU. "Les images sont totalement inversées," observe Florence Aubenas.

La reporter souligne d'ailleurs que, comme Domenico Quirino, les otages français toujours retenus en Syrie, Didier François et Edouard Elias, dont elle préside le comité de soutien, pourraient se situer dans des zones sous contrôle de groupes rebelles..."ou mafieux".