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Le président afghan s'est rendu lundi à Islamabad pour convaincre le nouveau gouvernement pakistanais de faire pression sur les Taliban, qui utilisent le Pakistan comme base arrière, afin d'entamer des pourparlers de paix directs.

En visite au Pakistan, pour la première fois depuis 18 mois, le président afghan Hamid Karzaï est arrivé lundi 26 août à Islamabad pour des entretiens principalement consacrés à la situation des Taliban dans son pays après le retrait des troupes de l'Otan à la fin de 2014.

Le président afghan a demandé à son voisin pakistanais, historiquement proche des taliban afghans, de l'aider à établir un dialogue direct avec les insurgés pour mettre fin à 12 ans de guerre dans son pays.

Kaboul accuse régulièrement Islamabad de déstabiliser son pays en soutenant les rebelles talibans en lutte contre les fragiles forces nationales afghanes et leurs alliés de l'Otan.

Lors d'un point de presse avec le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, vainqueur des législatives de mai, Hamid Karzaï a indiqué souhaiter que le Pakistan "soutienne le processus de paix afghan et offre des opportunités ou une plateforme pour des pourparlers entre le Haut Conseil afghan pour la paix (HCP) et le mouvement taliban".

Le HCP est un organe gouvernemental créé par Hamid Karzaï pour faire venir les Talibans à la table des négociations. Plusieurs de ses membres accompagnaient le président afghan lundi à Islamabad. "Le Pakistan va continuer de faciliter, par tous les moyens possibles, les efforts de la communauté internationale pour la réalisation de cet objectif noble... Nous pensons que cela est impératif pour mettre fin au conflit et à l'instabilité" dans la région, a répondu Nawaz Sharif, qui a aussi plaidé pour une plus grande interaction entre les économies des deux pays.

Le président afghan ne devait initialement rester que quelques heures au Pakistan et repartir dans l'après-midi à Kaboul. Mais après ses premiers entretiens, le président afghan, l'un des hommes les plus menacés du monde et qui ne sort de son palais fortifié de Kaboul que pour des visites occasionnelles dans son pays ou à l'étranger, a finalement décidé de prolonger la visite, peut-être un signe de bonne entente avec Nawaz Sharif. "Il a prolongé son séjour et passera la nuit à Murree" où il s'entretiendra à nouveau avec le Premier ministre pakistanais mardi, a précisé un autre responsable gouvernemental pakistanais sous couvert de l'anonymat.

Les taliban afghans, au pouvoir à Kaboul de 1996 à 2001, ont fait preuve d'ouverture au cours des derniers mois sur des pourparlers de paix, et même affirmé qu'ils n'aspiraient plus à "monopoliser" le pouvoir après le retrait de la grande majorité des 87 000 soldats de l'Otan prévu d'ici à la fin de l'année prochaine.

Mais les insurgés refusent de s'engager dans des pourparlers directs avec Hamid Karzaï, qu'ils accusent d'être une marionnette des États-Unis, de surcroît à l'approche de son départ de la tête de l'État, le président ne pouvant briguer, selon la Constitution, un troisième mandat lors de la présidentielle d'avril prochain.

"Préparez-vous au statu quo"

Le HCP avait indiqué avant cette visite à Islamabad qu'il allait demander au Pakistan la libération du plus important Taliban afghan écroué dans les geôles pakistanaises, le mollah Abdul Ghani Baradar, ex-bras droit du mollah Omar, le chef suprême des Taliban.

Car si Islamabad est historiquement proche des Taliban, il est aussi, depuis 2001, officiellement allié à leurs puissants ennemis américains, et a, à ce titre, arrêté de nombreux rebelles afghans réfugiés sur son territoire.

À la demande de Kaboul, le Pakistan a déjà libéré 26 Taliban afghans. Les responsables afghans estiment que ces libérations permettent de montrer leur bonne volonté aux insurgés et espèrent que ces ex-détenus convaincront la direction des Taliban de se joindre aux pourparlers de paix.

Mais de nombreux analystes jugent que ces libérations n'ont aucun impact sur le processus de réconciliation afghan, car des Taliban libérés seraient retournés sur le terrain de combat et qu'Islamabad n'a pas rendu leur liberté aux prisonniers considérés comme les plus influents, tels le mollah Baradar.

Karzaï "veut son propre canal de communication avec les insurgés, qui soit indépendant des États-Unis", estime Borhan Osman, membre du Réseau des analystes d'Afghanistan. "Les tentatives de se tourner vers le Pakistan ne sont pas nouvelles, mais des initiatives similaires avaient échoué par le passé", ajoute-t-il.

Le grand quotidien pakistanais "Dawn" n'a pronostiqué lundi aucune avancée dans les discussions car le contexte n'est pas favorable avec la fin du mandat de Karzaï, l'arrivée d'un nouveau gouvernement à Islamabad, qui doit encore établir ses marques avec l'Afghanistan, et le changement, cet automne, du chef de l'armée pakistanaise, l'institution la plus puissante du pays."Préparez-vous au statu quo", résumait le journal.

Avec dépêches