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Jérémy Stravius, le héros discret de la natation française

Dernier relayeur du 4x100m, Jérémy Stravius a largement contribué dimanche à la victoire des Français aux Mondiaux. Placé dans une famille d'accueil à l'âge de quatre mois, le nageur, originaire de Picardie, s'épanouit loin du "star system".

"Stratosphérique ! Stradivarius !", les jeux de mots ne manquent pas pour qualifier l’exploit de Jérémy Stravius. En sortant du bassin du Palau Sant Jordi de Barcelone, le nageur semble lui-même avoir du mal à réaliser sa performance. Le dernier relayeur s’est bagarré dimanche soir dans le dernier 100 m pour devancer l’Américain James Feigen et offrir le titre mondial du 4x100 m nage libre aux Français, le premier de l’histoire tricolore. "C’était magique, on ne partait pas favori. Ce n’est pas des performances individuelles qu’on met les unes avec les autres pour faire un beau relais. C’est l’esprit d’une équipe. La force d’une équipe", a déclaré le nageur après la course.

Depuis plusieurs années, le sportif originaire de Picardie monte sur les podiums des plus grandes compétitions internationales. Mais en dehors des bassins, il est quasi inconnu du grand public. En 2011, à Shanghai, il devient champion du monde du 100 m dos, ex-aequo avec un autre Français, Camille Lacourt. Alors que ce dernier fait la une des magazines avec sa belle gueule et son corps d’Apollon, et multiplie les contrats publicitaires, Jérémy Stravius conserve sa routine, loin des sollicitations et des médias, au club de natation d’Amiens. "Les commentaires que l’on a entendus au sujet de Camille, c’était "il est super beau". Nous, on n’est pas moches, on est normaux. Si une personne est intéressée par moi, c’est pour ma simplicité. Je n’ai pas de qualité supérieure. Je suis un mec simple et nature", expliquait-il à l’époque.

Un départ difficile dans la vie

Un gars du Nord "avec la tête sur les épaules" qui a été confronté dès son plus jeune âge aux difficultés de la vie. À 4 mois et demi, le petit Jérémy est placé en famille d’accueil avec deux de ses frères et sœurs. Ses parents, en grande précarité, n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins. Jusqu’à ses 19 ans, il est élevé par Henriette, qu’il appelle "sa nounou", tout en continuant à voir sa famille biologique le week-end. Malgré cette enfance particulière, le champion ne se voit pas comme un miraculé. "J’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation grâce à des gens qui m’ont tout appris, je n’ai été privé de rien. J’ai vécu une enfance comme tout le monde finalement", a-t-il raconté récemment dans un entretien au Journal du Dimanche.

De ses plus jeunes années, Jérémy retient surtout sa passion pour la natation. Dès sept ans, il se lance dans le grand bain et enchaîne les performances jusqu’à son premier titre mondial en 2011. Un an plus tard, il connait pourtant sa première déception en ne réussissant pas à se qualifier sur le 100 m dos lors des Jeux olympiques de Londres. Le Picard est seulement médaillé sur le 4X100 m (or) et 4x200 m (argent) grâce à sa participation lors des séries.

La revanche des Mondiaux

Vexé par cette contre-performance olympique, Jérémy Stravius a aujourd’hui plus que jamais soif de victoire. Durant les Mondiaux organisés à Barcelone, il s’est lancé le défi fou de devenir le premier Français à nager une course chaque jour : "C’est un mini-statut à assumer. Il faut être bon partout, sur toutes les courses. Il y a eu Laure Manaudou qui nageait beaucoup d’épreuves aussi et récoltait des médailles dans des épreuves différentes. Je ne suis pas le seul, j’essaye juste de continuer un peu par rapport à elle."

La semaine s’annonce ainsi très chargée. Après avoir récolté l’or sur le relais 4x100 m dimanche, le nageur va tenter de conserver son titre sur le 100 m dos où il s’est qualifié lundi pour les demi-finales. Il sera ensuite aligné sur le 200 m quatre nages, le relais 4x200 m libre, le 50 m dos et enfin le relais 4x100 m quatre nages.

Pour atteindre un tel niveau, le sportif avoue trouver la force auprès de ses chiens, son autre grande passion en dehors des bassins. Après les jeux de Rio en 2016, Jérémy Stravius a déjà choisi sa reconversion. Le champion discret compte s’éloigner des piscines et ouvrir un centre d’hébergement canin.