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Face aux États-Unis, Abu Dhabi opte pour le satellite français

Abu Dhabi a conclu un accord de plus de 700 millions d'euros pour l’achat de deux satellites militaires français. Une victoire française remportée sur l’Américain Lockheed Martin, leader en la matière, également en lice.

C’est un contrat qui va mettre du baume au cœur au secteur militaire hexagonal, dont le moral n’est pas forcément au beau fixe. Abu Dhabi a acheté, lundi 22 juillet, deux satellites espions français construits par Astrium pour plus de 700 millions d’euros. La France n’avait pas signé de tel contrat avec l'émirat depuis 2007, malgré les efforts de l’ancien président Nicolas Sarkozy pour leur livrer des Rafale, comme le rappelle lundi le quotidien économique "Les Échos".

Pour Paris, cet accord, baptisé Falcon Eye et qui concerne des satellites de classe Pléiade, intervient à point nommé. Le secteur français de l’armement a, en effet, connu en 2012 sa pire année depuis 2007 en terme de commandes de matériels militaires, selon les données du ministère de la Défense, rendues publiques lundi.

Autre motif de satisfaction - et non des moindres - “les industriels français du secteur sont capables de gagner face à l'Américain Lockheed Martin aux Émirats arabes unis”, se réjouit-on au ministère de la Défense d’après le quotidien “Le Figaro”. Une victoire commerciale qui peut étonner : les satellites d'observation “made in USA” sont “de très loin les plus technologiquement avancés au monde”, reconnaît Alexandre Vautravers, spécialiste des questions d’armement militaire et chercheur associé au Centre genèvois de politique de sécurité (GCSP), contacté par FRANCE 24. L'avantage américain concerne les deux points essentiels d'un satellite d'observation : la précision de l’image capturée et la vitesse à laquelle les clichés sont transmis au sol.

Des satellites, mais bien plus encore

Mais ce n'est au final qu'un avantage théorique car “les États-Unis proposent en général des versions 'export' ou 'bridées' de leurs modèles haut de gamme dans ce genre de contrat”, rappelle Alexandre Vautravers. Les satellites français n’étaient donc pas en concurrence avec le nec plus ultra américain.

La victoire française s'explique également par le service après-vente prévu au contrat. “Ce ne sont pas que des satellites de renseignement militaire qui ont été vendus, mais également l’accès à des logiciels de traitement d’images, à la formation de spécialistes de l'analyse du renseignement, à des systèmes de transmission et de cryptage”, souligne Alexandre Vautravers. L’offre française devait être plus alléchante sur ce point. “Les États-Unis imposent généralement des conditions très contraignantes pour utiliser leur technologie”, précise le spécialiste.

Pour autant, la France ne leur livre pas ces logiciels clé en main. “Il faut plutôt voir ça comme un partenariat, entre les services de renseignement français et ceux d’Abu Dhabi, qui passera d’abord par la formation de personnels sur place”, explique Alexandre Vautravers. En clair, l’émirat peut espérer avoir à terme une certaine autonomie dans l’utilisation de ces satellites, ce qu’il n’aurait peut-être pas eu s’il avait opté pour l’offre américaine.

Reste à savoir ce qu’Abu Dhabi pourra faire de ces acquisitions high-tech. “Les capacités de ces satellites sont limitées notamment par les conditions météo, voire par des dispositifs de camouflage”, souligne Alexandre Vautravers. Rien à voir donc avec des drones espions qui permettraient de mettre en place une surveillance tous azimuts. Le principal avantage que confèrent ces satellites : offrir à l’émirat sa propre source d’informations précises sur des installations militaires ou des mouvements de troupes dans des zones géographiques qui pourraient les intéresser.