![En Grande-Bretagne, l'extrême droite rêve d'un "printemps anglais" En Grande-Bretagne, l'extrême droite rêve d'un "printemps anglais"](/data/posts/2022/07/18/1658142114_En-Grande-Bretagne-l-extreme-droite-reve-d-un-printemps-anglais.jpg)
Après la mort d'un soldat britannique, tué dans une rue de Londres par deux islamistes présumés, les tensions communautaires se multiplient. Un contexte que l'extrême droite utilise pour attaquer la communauté musulmane et gagner des sympathisants.
Drapeaux anglais brandis par centaines, saluts nazis, look de hooligans. Un millier de partisans de l’English Defence League ( Ligue de défense anglaise) se sont rassemblés lundi 27 mai à Londres devant les bureaux du Premier ministre David Cameron. Dans la foule, les militants de cette organisation d’extrême droite ont scandé des chants nationalistes ou hostiles aux immigrés : "Je suis Anglais jusqu’à ma mort" ou encore "Les meurtriers musulmans hors de nos rues".
Cette manifestation a été organisée en réaction au meurtre mercredi dernier, dans le quartier londonien de Woolwich, de Lee Rigby, un soldat britannique, par deux individus se revendiquant d’Allah. L’EDL a récupéré ce drame pour mieux critiquer le manque de fermeté des autorités à l’égard des islamistes. Pour le chef de ce mouvement radical, Tommy Robinson, le Premier ministre, actuellement en vacances à Ibiza avec sa famille, "n’en a rien à faire". En réponse, l’extrême droite est bien décidée à occuper le terrain et à se faire entendre. Depuis le jour du meurtre, des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes anglaises. "Ils (NDLR : les musulmans) ont eu leur printemps arabe. Le temps est venu d’avoir le printemps anglais", a ainsi déclaré Tommy Robinson à Londres.
Augmentation des actes antimusulmans
Ces tensions communautaires ne s’expriment pas seulement à travers les mots. Depuis le meurtre de Woolwich, les actes racistes se sont multipliés en Grande-Bretagne. "Il y a eu environ 190 incidents enregistrés contre les musulmans, et dix mosquées ont été attaquées", constate ainsi Matthew Goodwin, professeur de Sciences Politiques à l’Université de Nottingham et spécialiste de l’extrême droite. L’incident le plus grave a eu lieu dimanche soir à Grimsby, dans l’est de l’Angleterre, où trois cocktails Molotov on été lancés dans un centre culturel musulman, sans faire de blessés.
La montée de la "haine" à l’égard de la communauté musulmane est aussi particulièrement visible sur le Web. "Nous pouvons voir une augmentation des soutiens au mouvement d’extrême droite sur Internet. Les fans de l’English Defence League sont passés de 21 000 à plus de 120 000 en trois jours", précise Matthew Goodwin.
Depuis sa création en juin 2009, l’English Defense League a ainsi pour but affiché de combattre "l’islamisation" de son pays. Comme l’explique Robert Ford, maître de conférences à l’Université de Manchester et auteur de recherches sur l’immigration en Grande-Bretagne, l’EDL joue sur les peurs et "utilise chaque controverse sur les musulmans pour créer de l’hostilité à l’égard de ce groupe".
Une récupération politique ?
L’attaque mortelle de Woolwich est aussi récupérée sur un plan plus politique. Le
leader du British National Party (BNP, Parti national britannique) Nick Griffin, qui s’est rendu sur les lieux deux jours après le drame, a pris pour cible sur son compte Twitter "l'immigration de masse", responsable selon lui de l'attaque du militaire.
Un de ses lieutenants, Adam Walker, a également déclaré que ce meurtre était "le signal du début d’une guerre civile" que son mouvement "avait prédit depuis des années". Mais pour Robert Ford, l’impact de ce parti est aujourd’hui à relativiser. "Le BNP est une organisation diminuée. Ses résultats, ses militants et ses ressources ont chuté depuis les élections générales en 2010. Je doute donc qu’ils puissent mobiliser autour de cette question".
Matthew Goodwin se montre également sceptique quand à la réelle mobilisation du "printemps anglais" qu’il qualifie de "propagande d’extrême droite". "Nous allons voir au fil du temps les tensions se calmer, particulièrement à partir du moment où les médias vont se concentrer sur un autre sujet", conclut le professeur de l’Université de Nottingham.