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Les corps de victimes de la crise ivoirienne remis aux familles symboliquement

Le gouvernement ivoirien a lancé une campagne d’exhumations à Abidjan pour restituer aux familles les corps de leurs proches enterrés à la hâte lors des violences post-électorales de 2010-2011. Reportage.

Pendant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui a fait plus de 3 000 morts selon l’ONU, de nombreuses familles n'ont eu d'autre choix que d'enterrer leurs morts dans leur cour ou leur quartier, l'insécurité rendant impossible le déplacement dans une morgue ou dans un cimetière. Le 4 avril dernier, le gouvernement a lancé une grande campagne d'exhumations à Abidjan. Vingt fosses communes ont déjà été ouvertes, 40 corps exhumés et 22 identifiés.

Mercredi 22 mai, presque deux mois après le début des exhumations, les familles des 22 victimes identifiées ont été conviées à une cérémonie symbolique de remise des corps en présence du ministre de la Justice, Gnénéma Mamadou Coulibaly. Venues de tout le pays, elles souhaitent ainsi pouvoir commencer à faire leur deuil, à l’instar de Gisèle Detalbi. Son fils avait été exécuté par des miliciens ; l'insécurité de l'époque l'avait empêchée d'enterrer dignement son enfant. "J'ai passé deux ans avec le corps de mon fils enterré derrière ma maison. Aujourd'hui, j'ai eu un soulagement mais je suis peinée, vraiment peinée. Mon enfant est mort pour rien !"

Née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, la crise post-électorale s'était achevée par l'arrestation de l'ancien président en avril 2011. Le 8 août 2012, une enquête ivoirienne réclamée par son successeur, Alassane Ouattara, avait conclu que les forces armées qui l'ont porté au pouvoir ont causé la mort de plus de 700 personnes, et celles fidèles à Laurent Gbagbo environ deux fois plus.

Des funérailles trop coûteuses

Plus de deux ans après la fin des violences, la lenteur de la justice est vivement critiquée par les défenseurs des droits de l'homme. Mais la campagne d’exhumations et cette cérémonie représentent un premier pas concret pour les proches des victimes. Au cours d’un discours, le ministre Gnénéma Mamadou Coulibaly a invité les proches des victimes à "sécher [leurs] larmes" et leur a "donné l'assurance que tout sera mis en œuvre pour que la vérité se manifeste et que justice soit rendue à ceux qui ont été si brutalement arrachés à [leur] affection".

La plupart des familles sont reparties de la cérémonie avec des drapeaux, mais sans les cercueils, faute d’avoir les moyens de payer les funérailles de leurs proches. C’est une situation que dénonce Issiaka Diaby, président du Collectif des victimes de Côte d'Ivoire : "Il faut absolument des mesures d'accompagnement qui leur permettront d’organiser dignement les funérailles de leurs proches disparus." Et d’appeler à une "action d'envergure du gouvernement en leur faveur".