Depuis les émeutes de 2008, le Tibet est interdit d’accès aux journalistes. Deux envoyés spéciaux de FRANCE 24, Cyril Payen et Pierre Vaireaux, ont toutefois réussi à pénétrer dans cette région étouffée sous le joug chinois.
Avec des milliers de militaires déployés dans les rues et des caméras de surveillance omniprésentes, Lhassa, la cité des dieux, ressemble à une ville sous occupation. Ici, le gouvernement chinois veille au grain sur cette région autonome annexée en 1951.
Depuis les graves émeutes pro-tibétaines de 2008, la Chine a interdit l’accès aux journalistes, ne laissant entrer les étrangers qu’au compte-gouttes. "Il a fallu attendre huit mois pour obtenir des visas et déjouer la vigilance des autorités chinoises", précise Cyril Payen, l'envoyé spécial de FRANCE 24, qui a travaillé à l’insu des autorités. Son constat est sans appel : le "génocide culturel" que dénonçait le dalaï-lama en 2008 est toujours en marche.
Premières cibles de Pékin : les moines tibétains qui détiennent la plus haute autorité dans la société mais qui sont cantonnés à un rôle de figuration. "Ce n’est pas recommandé de sortir du monastère. C’est dangereux dehors, il y a beaucoup de patrouilles et de contrôles", témoigne l’un d’eux sous couvert d’anonymat. Il y a 50 ans, les moines représentaient 30% de la population masculine tibétaine. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 20 000 à 30 000 sur les 3 millions de personnes qu vivent au Tibet.
10 millions de touristes et des centaines de milliers de migrants
Les Tibétains ne supportent plus ce qu'ils considèrent comme une domination grandissante des Hans, l'ethnie ultra-majoritaire en Chine, et la répression de leur religion et de leur culture. "Il n'y a aucune liberté au Tibet et il n'y pas de droits de l'Homme dans notre pays, déplore un jeune activiste qui a accepté de témoigner au cœur d’un marché de la Lhassa. Nous croyons dans le bouddhisme, c'est notre religion sacrée, le dalaï-lama est notre soleil. Mais il est interdit de le penser et le dire. S’exprimer publiquement sur le sujet peut nous coûter la prison !"
Face à cette répression à huis clos, qui se tient dans l’indifférence totale de la communauté internationale, des Tibétains choisissent une forme de contestation ultime : l'immolation par le feu. Environ 120 se sont ainsi sacrifiés depuis 2009. "C’est le dernier recours pour ces Tibétains qui vivent sous le joug chinois, commente Cyril Payen. Cet acte de désespoir est un des seuls moyens d’espérer faire parler du pays."
Suite à l’immolation de deux moines tibétains en avril dernier, la Chine avait pour sa part affirmé avoir "libéré pacifiquement" le Tibet et amélioré le sort de sa population en finançant le développement économique de cette région pauvre et isolée. Pékin mise sur quelque 10 millions de touristes chinois cette année ainsi que sur l'afflux de centaines de milliers de migrants venus de toute la Chine. Chaque jour, quelque 2500 migrants et touristes chinois débarquent en train à Lhassa. "Tout ce que veulent les Chinois, c'est amener leurs touristes dans les temples", lance, sous couvert d’anonymat, un moine du monastère de Jokhang, l'endroit le plus sacré du Tibet où Pékin construit actuellement une galerie commerçante assortie d'un parking souterrain. Mais il regrette que "l'argent est uniquement destiné au gouvernement, et non aux Tibétains".