
Le film "L’attentat" du réalisateur libanais Ziad Doueiri a été interdit de diffusion dans les 22 pays de la Ligue arabe, dont fait partie le Liban. Le cinéaste a tourné plusieurs scènes en Israël, ce que proscrit le Bureau de boycottage d’Israël.
"L’attentat", le film du Libanais Ziad Doueiri, pourrait ne jamais être diffusé sur les écrans des 22 pays de la Ligue arabe. Fin avril, le gouvernement libanais, qui avait auparavant autorisé la diffusion du long-métrage, s’est rétracté, souhaitant se ranger derrière l’avis du Bureau de boycottage d’Israël, un comité permanent créé en 1951 par la Ligue arabe chargé de formaliser la censure des produits en provenance de l’État hébreu. L’interdiction a ensuite été étendue à l’ensemble des États membres.
La raison de cette censure : une partie du film a été tournée à Tel Aviv. En Israël, donc, ce que proscrit formellement le Bureau de boycottage d’Israël de la Ligue arabe. Pis, le réalisateur libanais a fait appel à des acteurs israéliens. "Le Bureau de boycottage d’Israël a mené une attaque répugnante contre mon film, en m’étiquetant ‘sympathisant sioniste’. Mais ces gens ont-ils vu mon film ?", s’insurge le réalisateur de 49 ans, dans une violente charge contre l’organe de censure publiée sur sa page Facebook.
"J'ai effectivement filmé une partie du film à Tel Aviv parce qu’une partie de l'histoire se déroule là-bas. J'ai eu recours à des acteurs israéliens parce qu'il s'agissait de mon choix artistique. Je n’ai aucun regret et je n’ai pas d’excuses à faire", poursuit le cinéaste sur Facebook. "L’ignorance a gagné […]. Je suis consterné, j’ai honte d’être Libanais."
Soutien de la ministre française déléguée à la Francophonie
La ministre française déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui, a apporté, mercredi, son soutien au réalisateur libanais. "Je vais interpeller d'abord les autorités libanaises", a déclaré la ministre. "C'est la première fois qu'un cinéaste libanais transgresse ce tabou d'aller tourner en Israël avec des Israéliens", a-t-elle poursuivi. "Je dois faire en sorte que le Liban revienne sur sa décision et autorise la diffusion du film", a-t-elle déclaré, assurant être entrée en contact avec le ministre libanais de la culture.
"L’attentat" est une adaptation du roman éponyme de Yasmina Khadra. Un médecin arabe-israélien, le docteur Amin Jaafari, apprend que sa femme a été tuée dans un attentat-suicide à Tel-Aviv, au cours duquel 17 personnes dont 11 enfants ont trouvé la mort. L’homme découvre que la femme qu’il chérissait n’était pas simplement une victime de l’attaque, mais qu’elle en est l’auteur. À travers le cheminement du médecin, qui tente de comprendre comment sa femme a pu perpétrer un tel acte, le réalisateur aborde - de façon nuancée - la question identitaire chez les arabes israéliens.
Une réflexion qui n’est visiblement pas du goût de tout le monde. Le réalisateur a confié à Leela Jacinto, journaliste à FRANCE 24, avoir été ciblé par des menaces. Il parle de mails reçus, l’enjoignant à "être très prudent s’il remettait les pieds au Liban ". "Je ne veux pas sombrer dans la paranoïa mais évidemment, je prends ces menaces très au sérieux. Je suis très préoccupé", assure-t-il.
"L’attentat" a été salué dans plusieurs festivals, notamment au Maroc et à Dubaï. Il vient en outre de remporter le prix du public ainsi que le prix spécial de la critique au 17e festival ColCoa du film français à Hollywood. Le film sort le 29 mai en France et le 21 juin aux États-Unis.