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"Un désastre" : le groupe russe Africa Corps essuie sa première défaite au Mali
Le premier août, un convoi de l'Africa Corps est tombé dans une embuscade tendue par des jihadistes à proximité de la ville malienne de Ténenkou, dans la région de Mopti. Pour la première fois, des images filmées par les groupes jihadistes montrent des membres de ce groupe paramilitaire russe venu remplacer Wagner au Mali morts au combat.
A gauche et au centre, des vidéo filmées par des jihadistes du group JNIM le 1 août 2025 montrent les cadavres d’au moins trois membres de l’unité russe Africa Corps suite à une attaque sur leur convoi dans le nord de Mali près de la ville de Ténenkou. A droite, une vidéo montre la riposte par un hélicoptère russe le 2 août. © Whatsapp/Telegram/Observateurs

Les images sont insoutenables : plusieurs cadavres d’hommes en uniforme s’empilent au pied d’un camion militaire. Sur une autre vidéo, un homme en pleine agonie est achevé d’une balle dans la tête. Sur toutes ces images, des tirs d’armes automatiques se font entendre en fond sonore.

Ces vidéos sont tournées le premier août 2025. Elles ont d’abord été diffusées sur des chaînes WhatsApp jihadistes avant d’être reprises sur Twitter.

Cette vidéo floutée diffusée par le compte d’un analyste occidentale montre les corps des russes filmés par les djihadistes le 1 août 2025. X/@brantphilip1978

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Parmi ces corps sans vie, certains sont reconnaissables à leur peau blanche et sont désignés comme des "Wagner" par les jihadistes. Si l’entreprise du défunt Evguéni Prigojine n'opère plus au Mali depuis le 6 juin 2025, la relève est assurée par le groupe russe Africa Corps. Réputé plus proche du ministère de la Défense que son prédécesseur, Africa Corps semble avoir connu sa première défaite d’envergure ce vendredi premier août.

"Un désastre" : le groupe russe Africa Corps essuie sa première défaite au Mali
Ces images diffusées le 1 août 2025 sur un compte Telegram pro-Wagner montrent les cadavres de trois mercenaires russes filmés par les jihadistes du JNIM lors de l’embuscade de Ténenkou. Cette vidéo à été flouté par l’adiministrateur du canal Telegram. © Telegram/Sand88cat

Les images filmées par les jihadistes du groupe Jnim montrent au total les corps de trois mercenaires russes dont les cadavres n'ont pas pu être évacués par leurs camarades. Une vidéo montre aussi un camion de fabrication russe de type Ural-4320, reconverti pour l’occasion en véhicule de dépannage, totalement détruit. 

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Publiée sur Whatsapp le 1er août 2025, cette vidéo montre un djihadiste inspecter un camion Ural-4320 détruit. © Whatsapp

Au lendemain de l’embuscade, des images qui montreraient un hélicoptère en intervention contre les jihadistes au lendemain de l’embuscade de Tenenkou sont publiées sur les réseaux sociaux. Il n’est cependant pas possible de vérifier leur localisation de façon indépendante.

Cette vidéo montrerait un hélicoptère actif contre les djihadistes le 2 août 2025, le lendemain de l’embuscade. X/OSINTWarfare

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Peu après l’embuscade, le Jnim a revendiqué par le biais de son média officiel Az-Zallaqa la capture d' "un véhicule militaire, 16 Kalachnikov, deux mitrailleuses PK, des munitions et divers équipements."

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Cette capture d’écran d’une publication officielle du JNIM montre le butin que le groupe djihadiste aurait saisi au moment de l’embuscade du 1 août 2025. © Az-Zallaqa

Un échec d’Africa Corps critiqué par les anciens de Wagner

Dans les jours qui suivent l’embuscade des critiques se sont fait entendre contre le commandement d’Africa Corps. Ainsi, le blogueur militaire et analyste Rybar évoque "un rappel sévère" qui "doit servir de leçon". Selon l’analyste pro-russe "le théâtre africain est trop souvent sous-estimé. La complexité des combats ici est comparable, voire supérieure, à celle des opérations dans la zone de l’opération spéciale [terme russe désignant l’invasion russe de l’Ukraine, NDLR]."

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Cette carte diffusée le 4 août 2025 sur le compte Telegram Rybar montre la localisation de l’embuscade selon l’analyste russe. © Rybar

Dans un message publié sur Telegram le jour même de l'embuscade, le blogueur pro-Wagner Turist évoque "un désastre". Selon lui, "il aurait été possible d’éviter de tels événements compte tenu des ressources dont dispose Africa Corps". Le message déplore également le fait que "des véhicules et des corps des soldats aient été abandonnés".

La chaîne Telegram Sand Cat, proche de Wagner, déplore le manque de soutien aérien au moment de l’embuscade : "Il n’y avait pas d’hélicoptère de garde. Un temps précieux a donc été perdu, au prix de la vie de nos combattants. Normalement, le temps d’arrivée de l’engin depuis la base la plus proche ne dépasse pas 20 minutes avec le moteur chaud. Un MI-24 [hélicoptère russe, NDLR] aurait pu déchiqueter cette bande de pédés [ici le blogueur désigne les jihadistes]."

Les remarques du blogueur Sand Cat ciblent également le commandement d’Africa Corps qui ne prendrait pas assez en compte le retour d’expérience des anciens membres de Wagner. Dans un message publié le 1er août, il tourne en dérision les membres d’Africa Corps : "On n’écoute pas les connards de Wagner, qui ont marché sur cette terre pendant des années, qui ont pris leurs coups et savent comment bosser ici et comment se comporter avec la population locale. On est trop intelligents, on a fait des écoles militaires, on a de l’expérience en papier qui date de la Tchétchénie".

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"L'arrivée de nouveaux matériels lourds d’Africa Corps ne va rien changer"

S’il n’est possible d'identifier que trois cadavres de mercenaires russes dans les vidéos publiées par les jihadistes, selon un spécialiste de la zone, les pertes humaines auraient été beaucoup plus importantes pour les Russes, qui disposent d’équipements inadaptés à la guerre de contre-insurrection :

"Selon le bilan non officiel établi par les jihadistes, que je ne peux pas confirmer, il y aurait eu au total 40 morts, dont 14 russes tués. Il faut comprendre que les jihadistes voulaient frapper un grand coup car Ténenkou, c’est leur territoire. C’est la zone historique d’Amadou Koufa [un des chefs jihadiste peule du Jnim, NDLR], ils veulent donc montrer qu’ils maîtrisent leur terrain. Le Jnim s’est donc attaqué à ce convoi de ravitaillement qui venait de la zone de Niono pour aller vers la base avancée de Dioura. 

La région est totalement acquise aux jihadistes. Hormis dans les grandes villes, l'État n’est pas présent. Ici, le Jnim est vu comme l’autorité légitime. Les jihadistes exercent un contrôle politique, idéologique et territorial dans cette zone. Les structures de l'état (administrative, justice, sécurité) sont absentes dans les zones rurales.

Le Jnim à un regard sur les modalités d'utilisation et d'exploitation des ressources naturelles qui sont gérées par les légitimités traditionnelles selon les principes du droit islamiques en vigueur. Les djiahadistes y prélèvent également la zakat [l’impôt islamique, NDLR], ils appliquent la charia et ils gèrent les ressources. 

De leur côté, l’armée et les russes n’arrivent pas à sortir des îlots que constituent leurs bases. Autour, ils sont totalement encerclés. De plus, l’arrivée de nouveaux matériels lourds d’Africa Corps ne va rien changer. Ces véhicules blindés et ces chars russes sont inefficaces face à des insurgés qui se déplacent en moto. Grâce à un réseau extrêmement dense d’informateurs parmi la population, les jihadistes sont au courant du moindre mouvement sur le terrain. 

La zone de Ténenkou est une zone environnementale complexe avec les mangroves, des plans d’eau, des zones pastorales et des terrains partiellement immergés selon les saisons. C’est un terrain parfait pour la guérilla. Les djihadistes ont une excellente connaissance environnementale du terrain. Le JNIM a donc créé des tunnels sur des points d’eau et leurs propres passages pour les véhicules. Mais l’armée malienne et les russes doivent compter sur des guides qui ont une moins bonne connaissance de la zone que les djihadistes."

De leur côté, les forces armées maliennes ont reconnu le jour même dans un communiqué une "embuscade en cours". Dans les jours suivants, les autorités maliennes n’ont pas donné de précision sur la nature des dégâts et des pertes humaines.