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Droits de l’homme : Samuel Samson, le jeune trumpiste au rapport
Le très attendu rapport annuel américain sur les droits de l’homme pourrait comporter des passages controversés sur la Russie, le Salvador et Israël, affirme jeudi le Washington Post dans un article. La faute à Samuel Samson, le juvénile "conseiller senior" aux questions des droits humains de l'administration Trump. Catholique intégriste et partisan de l’entrisme, il semble prêt à tout pour décapiter les institutions libérales.
Samuel Samson, nommé en janvier 2025 au département d'État, est un partisan de "l'entrisme" de droite tradionnaliste. © Studio graphique France Médias Monde

Le Salvador n’a aucun problème en matière de respect des droits de l’homme, les accusations de corruption contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’existent plus et les minorités comme la communauté LGBTQ+ ne risquent rien en Russie... C’est du moins ce que soutient une jeune recrue du département d’État, Samuel Samson.

Ces affirmations, qui feraient bondir n’importe quel défenseur des droits humains, sont issues du très influent rapport nord-américain sur l’état des droits de l’homme dans le monde, dont le Washington Post a pu consulter une version de travail jeudi 7 août.

Bukele, Netanyahu et Poutine, amis des droits de l'homme ?

Ce document de plusieurs milliers de pages paraît tous les ans au printemps et ses conclusions sont "considérées comme les plus approfondies sur les questions de droits de l'homme", explique le Washington Post. Mais cette année, l’administration Trump n’en finit pas de repousser à plus tard sa publication.

En cause : des amendements substantiels apportés aux chapitres relatifs au Salvador, à Israël et à la Russie, assure le Washington Post. Les premières versions, rédigées à la fin de la présidence Biden, n’omettaient pas de critiquer les dirigeants de ces trois pays, régulièrement accusés de dérives autoritaires et même dictatoriales. 

L’administration Trump a fait savoir qu’elle avait entrepris de raccourcir cette bible des droits humains pour se concentrer "sur l’essentiel" et rendre sa lecture "plus digeste". Mais les passages coupés ou remaniés ne sont pas anodins.

Ainsi, le Salvador, dont le président Nayib Bukele se décrit lui-même comme le "dictateur le plus cool au monde", n’est plus un pays qui connaît de "nombreux problèmes de droits de l’homme", comme c’était le cas dans le rapport américain de 2023. La nouvelle version consultée par le Washington Post assure qu’il "n’existe aucune preuve crédible d'une violation aux droits humains" par le régime salvadorien, qui a accepté avec empressement d’accueillir dans ses prisons des centaines d’immigrés de toutes les origines expulsés par les États-Unis de Donald Trump.

Dans le chapitre sur Israël, il n’est plus question de menace vis-à-vis de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Toute référence aux accusations de corruption portées à l’encontre de Benjamin Netanyahu, allié de Donald Trump, ont également été effacées. Enfin, cette version du rapport américain ne contient pas un mot sur les violences ou discriminations dont sont victimes les membres de la communauté LGBTQ+ en Russie, un autre pays que Donald Trump a essayé de ménager depuis son arrivée au pouvoir.

Des subalternes malléables et loyaux

Impossible de savoir si ces "évaluations" portant sur le respect des droits humains dans ces trois pays vont subsister dans la version finale. Mais, leur existence trahit la volonté de l’administration Trump de transformer en profondeur l’approche américaine de la promotion des droits de l’homme, note le Washington Post.

Et c’est Samuel Samson qui est à la baguette. À première vue, il ne détonne pas dans le nouveau paysage politique américain, où de multiples jeunes recrues sans expérience préalable sont placés à des postes à responsabilités, tel que Thomas Fugate, le responsable de 22 ans du Bureau de la lutte contre la violence extrémiste.  

Samuel Samson est, officiellement, conseiller senior au Bureau pour la démocratie, les droits de l’homme et pour le Travail du Département d’État. Or, ce vingtenaire qui a quitté les bancs de l’université d’Austin (Texas) en 2021 n’a aucune expérience en relations internationales… ou en droits de l’homme. Sa thèse portait sur le conservatisme aux États-Unis.

Sa nomination en janvier 2025 "est une preuve supplémentaire de la tendance de Donald Trump de privilégier le recrutement de jeunes aux idéaux bien ancrés à droite, qu’il nomme à des postes relativement importants en lieu et place de fonctionnaires expérimentés, afin d’avoir des petites mains qui ne représentent aucune menace à son pouvoir", résume Natasha Lindstaedt, spécialiste des régimes autoritaires à l’université d’Essex, au Royaume-Uni.

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Droits de l’homme : Samuel Samson, le jeune trumpiste au rapport
© France 24
42:46

Pour elle, ce phénomène est symptomatique d’une dérive paternaliste du pouvoir, où la compétence est souvent perçue comme une menace pour le régime, qui préfère mettre en avant des nouvelles têtes. Présentée comme une manière de renouveler le personnel politique et administratif, c’est souvent une manière de s'assurer des subalternes malléables et loyaux.

Contrairement à d’autres jeunes pousses du trumpisme qui, une fois en place, ne font plus parler d’eux, Samuel Samson commence à faire de sérieuses vagues idéologiques. Avant ses retouches très politiques apportées au rapport sur les droits de l’homme, il avait rédigé un long texte sur le blog officiel du département d’État fin mai, qualifié de "provocateur" par de nombreux médias américains. Intitulé "De la nécessité d’avoir des alliés civilisés en Europe", ce texte accuse des alliés traditionnels des États-Unis, comme la France ou l’Allemagne, de mener une guerre "secrète" contre les "valeurs traditionnelles occidentales" et de malmener les vrais amis de "l’Occident chrétien" comme la Hongrie de Viktor Orban.

Samuel Samson a même avancé des solutions très concrètes pour voler au secours des "vrais" alliés de Washington en Europe. Ainsi, il aurait proposé fin juin d’utiliser les fonds du Bureau des droits de l’homme pour aider Marine Le Pen, la dirigeante du Rassemblement national français, à se défendre devant la justice, a affirmé le site Politico.

Un catholique intégriste et entriste

Si ce jeune "conseiller senior" s’active autant, c’est essentiellement parce qu’il appartient aux idéologues purs et (très) durs de la jeune garde de Donald Trump. Dans un long article publié en 2021, il se présentait comme disciple du controversé juriste Adrian Vermeule.

Ce professeur de droit à Harvard et catholique intégriste défend l’abolition de la séparation de l’Église et de l’État et milite pour la primauté du "droit naturel". Et pour y parvenir, Adrian Vermeule mise sur l’entrisme : "Il faut une stratégie offensive qui repose sur l’infiltration des institutions libérales par des agents de droite post-libéraux", résume Samuel Samson.

Le jeune homme se considère ainsi comme l’un des soldats de cet assaut contre l’État libéral. Avant d’intégrer l’administration, il est d’ailleurs passé par American Moment, une organisation de jeunes ultraconservateurs dont le but est précisément de trouver des candidats pour "infiltrer" l’administration américaine afin d’y exercer une influence à long terme.

Pour eux, Donald Trump est une bénédiction, et pas seulement idéologique. "Le mode de fonctionnement de cette administration, qui s’affranchit des procédures traditionnelles, permet à des individus sans expérience et à de postes relativement importants – mais pas de premier plan – d’avoir potentiellement un vrai impact", estime Thomas Greven, spécialiste de la politique américaine et du populisme à l'université de Bonn, en Allemagne.

Reste à voir si ces jeunes aux ambitions illibérales démesurées vont réellement pouvoir faire une différence ou si, au final, ils vont surtout multiplier les articles et posts de blogs provocateurs. La publication du rapport annuel sur les droits humains et l’inclusion ou non des modifications suggérées par Samuel Samson en sera un bon indicateur.