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Après les violences, Capriles annule la grande manifestation de mercredi

Au lendemain des violences meurtrières qui ont secoué le Venezuela, Henrique Capriles a décidé d'annuler le rassemblement de mercredi à Caracas. Le chef de l'opposition souhaite obtenir le recompte des voix de la présidentielle par voie légale.

La tension au Venezuela, particulièrement vive depuis la victoire proclamée de Nicolas Maduro à l’élection présidentielle, est-elle sur le point de s'atténuer ? Après les troubles post-électoraux du lundi 15 avril, le chef de file de l'opposition Henrique Capriles s'est déclaré "ouvert au dialogue", mardi, lors d'une conférence de presse donnée à son quartier général, "afin que cette crise soit réglée dans les prochaines heures".

Par souci de "responsabilité", le gouverneur de l'État de Miranda a décidé d'annuler le rassemblement prévu mercredi. Il entend ainsi ne pas faire "le jeu du gouvernement" qui veut qu'il y ait "plus de morts dans le pays". Selon lui, la manifestation de l'opposition devant le Conseil national électoral (CNE) courait le risque d'être "infiltrée" par des agents gouvernementaux. Dans le pays, l’annulation de cette manifestation a été vécue comme "une immense déception" par l'opposition, constate Pierre-Philippe Berson, correspondant pour FRANCE 24 au Venezuela.

Depuis lundi soir, les manifestations contre l'élection de Nicolas Maduro ont fait au moins sept morts, dont un fonctionnaire de police de l'État de Tachira (Ouest), selon les autorités. C'est la première fois depuis 2004 qu'un rassemblement fait des victimes au Venezuela. Le bilan fait également état de 71 blessés et de 135 interpellations.

Enquête pénale contre Capriles

Auteur du meilleur score jamais réalisé par l'opposition, Henrique Capriles reproche aux autorités électorales d'avoir proclamé vainqueur Nicolas Maduro (50,75 % contre 48,97 %) dès dimanche soir, avant même la fin du décompte des voix. Refusant de reconnaître la victoire de l'héritier d'Hugo Chavez, Capriles exige un nouveau décompte et a appelé lundi ses partisans à descendre dans la rue "pacifiquement" pour soutenir sa requête.

Mais les manifestations de pro et anti-Maduro ont mal tourné. Des véhicules ont été incendiés dans l'État de Barinas, dont est originaire Hugo Chavez, et le siège du parti au pouvoir a été partiellement détruit dans l'État de Tachira. Plusieurs médecins cubains travaillant dans des quartiers pauvres, dans le cadre de la coopération avec le Venezuela, ont en outre été agressés, tandis que des groupes motorisés s'en sont pris aux sièges de la télévision publique VTV et de la chaîne internationale Telesur, financée par le Venezuela. Des membres du gouvernement ont aussi accusé des manifestants d'avoir attaqué le domicile de la présidente du Conseil national électoral (CNE), Tibisay Lucena, ainsi que plusieurs bureaux du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) de Maduro, dont l'un a été incendié.

Le gouvernement n'a pas exclu que Capriles soit lui-même l'objet d'investigations, le président de l'Assemblée nationale, Diosdado Cabello, l'un des piliers du régime, ayant promis de promouvoir une "enquête pénale" à son encontre, après la mort de manifestants.

Jusqu'à présent, le président élu, convaincu d'être la cible d'une "tentative de coup d'État", campe sur ses positions et a appelé ses partisans à étendre la mobilisation, accusant la "droite fasciste" de vouloir provoquer une "guerre civile comme en Libye ou en Syrie". Le point d'orgue de la mobilisation "chaviste" doit intervenir vendredi lors de l'investiture du nouveau président à Caracas. Le ministre de la Communication, Enrique Villegas, a annoncé qu'au moins 15 pays enverraient une délégation de "haut niveau", même si, pour l'heure, seul le dirigeant bolivien, Evo Morales, a confirmé sa venue.

Capriles soutenu par Washington

De son côté, Henrique Capriles n'entend pas renoncer. L'opposition, qui pour la première fois depuis 2006 concentre ses attaques sur la légitimité de l'élection, entend déposer un recours auprès du CNE. Seulement 300 000 votes séparent les deux hommes. "Il va également déposer un dossier faisant état des quelque 2 300 infractions constatées", précise Pierre-Philippe Berson. Lors de sa conférence de presse, Capriles a estimé que les irrégularités concernent un million de voix, selon le quotidien vénézuélien "El Nacional". Le CNE assure pour sa part que le système de vote électronique est infaillible.

Du côté de la communauté internationale, les États-Unis ont aussi mis en cause mardi l'officialisation de la victoire de Maduro, tout en appelant les Vénézuéliens à "cesser les violences", à l'instar de l'Organisation des États américains (OEA). "Il est difficile de comprendre pourquoi le CNE a proclamé la victoire du président Nicolas Maduro avant la fin du nouveau décompte des voix", a déclaré un porte-parole du département d'État. Celui-ci a par ailleurs rappelé que les États-Unis soutenaient le droit à manifester pacifiquement, mais condamnaient les violences. L'Espagne a également demandé un recompte, provoquant l'ire de Caracas, qui a depuis rappelé son ambassadeur.