
Le Grand rabbin de France Gilles Bernheim a annoncé "sa mise en congé" devant le consistoire israélite, jeudi, deux jours après avoir reconnu le plagiat de plusieurs auteurs et menti sur l’obtention d’un diplôme d’agrégation de philosophie.
Sa position était devenue intenable. Le Grand rabbin de France Gilles Bernheim a sobrement annoncé jeudi 11 avril sa "mise en congé" à l’issue d’un conseil exceptionnel du consistoire israélite. Deux jours plus tôt, il reconnaissait plusieurs plagiats et ne pas être effectivement agrégé de philosophie.
Cette démission qui ne dit pas son nom intervient après trois semaines de controverses sur plusieurs plagiats commis par la plus haute autorité spirituelle du judaïsme français. Les déboires du Grand rabbin ont commencé mi-mars, quand le blog Strass de la philosophie a révélé que son ouvrage "Quarante méditations juives", publié en 2011, comprenait plusieurs passages copiés-collés d’un livre d’entretien publié en 1996 par le philosophe Jean-François Lyotard.
Confronté à cette première accusation de plagiat, Gilles Bernheim s’est alors enfoncé dans une défense maladroite. Après avoir tenté de renverser l’accusation de plagiat, le Grand rabbin a fini par avouer avoir eu recours à un nègre, qui s’était rendu coupable de plagiat.
"Rabbin philosophe"
Le pire restait encore à venir pour Gilles Bernheim. Plusieurs autres "emprunts" sont débusqués puis l’hebdomadaire L’Express révèle le 5 avril que le Grand rabbin n’est pas titulaire de l’agrégation de philosophie dont il se prévaut. L’annonce fait l’effet d’une bombe au sein de la communauté juive, où Gilles Bernheim s’était imposé comme une figure intellectuelle à la jonction de l’orthodoxie religieuse et de la philosophie.
Gilles Bernheim s’était largement appuyé sur cette image d’intellectuel moderne, impliqué dans la vie de la cité, pour l’emporter sur son prédécesseur, Joseph Sitruk, lors des élections du Grand rabbinat de 2008. Le "rabbin philosophe" avait alors répondu aux souhaits d’une partie de l’intelligentsia juive, favorable à plus de souplesse et au dialogue inter-religieux. Un judaïsme d’ouverture illustré par la sortie en 2008 d’un livre d’entretien intitulé "le rabbin et le cardinal" entre Gilles Bernheim et le cardinal Barbarin.
Judaïsme d’ouverture
Issu d’une famille juive alsacienne, Gilles Bernheim avait lui-même fréquenté l’école publique jusqu’au lycée dans sa ville natale d’Aix-les-Bains. Ses parents voulaient qu’il devienne médecin ; le jeune homme a préféré opter pour des études religieuses. C’est ainsi que Gilles Bernheim est parti approfondir ses connaissances religieuses dans une yeshiva dans le Neguev, au sud d’Israël, à la fin de sa classe de seconde.
Devenu rabbin des étudiants en 1978, Gilles Bernheim est rapidement reconnu pour ses talents pédagogiques et sa capacité à aborder des thèmes sociétaux modernes – euthanasie, égalité homme/femme, sida, mariage. Une flexibilité intellectuelle alliée à une foi orthodoxe qui lui ont permis de gravir les échelons du Consistoire israélite jusqu’à son élection comme chef spirituel des juifs de France.
La chute du rabbin n’a pas pour autant éclipsé le prestige intellectuel dont il continue à jouir auprès d’une partie de la communauté juive française. "Une vie comme la sienne ne peut pas être otage de quelques défaillances dans un domaine de qualification intellectuelle ou académique qui reste connexe à son activité de rabbin", écrivait ainsi le 2 avril le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), Richard Prasquier, sur le site du Conseil.