Téhéran accuse le service de cartographie de Google d’assister les services de renseignement occidentaux pour espionner l’Iran. Ce n’est pas la première fois que le régime s’en prend ainsi au géant américain de l’Internet.
Après Gmail et YouTube, l’Iran s’en prend à un autre service de Google : Google Earth. Le régime des Mollah s’apprêterait à dévoiler, dans les prochains mois, Basir (spectateur en Farsi), présentée comme une alternative au célèbre service de cartographie du géant américain de l’Internet.
“Les préparations pour notre propre solution de modélisation du monde en 3D doivent nous permettre de la rendre disponible dans les quatre prochains mois”, a affirmé, mardi 9 avril, Mohammad Hassan Nami, ministre iranien de l’Information et des Technologies des communications, à l’agence de presse Mehr.
Le ministre s’est montré très flou sur l’avantage d’utiliser le “Google Earth” Iranien qui devrait être disponible pour les internautes le monde entier. “Les valeurs iraniennes sont celles de Dieu et c’est ce qui fera la différence entre Basir et Google Earth, qui dépend en fait des États-Unis, du Royaume-Uni et des sionistes [en référence à Israël, NDLR]”, s’est-il contenté d’expliquer.
Une coloration religieuse qui avait déjà été soulignée en 2011 lorsque les autorités avaient pour la première fois fait état de leur désir de concurrencer Google Earth. À l’époque, Téhéran avait notamment insisté sur la création d’un outil qui permettrait aux musulmans de calculer la distance de n’importe quel point sur la carte par rapport à La Mecque.
Google, nid à espions ?
Qualifié aussi d’”agression culturelle” par Téhéran, Google Earth est accusé de propager, en outre, des contrevérités historiques. Ainsi, le service du géant de l’Internet précise que le Golfe persique peut aussi être appelé Golfe arabique. Une hérésie pour le régime des Mollah. En 2008 déjà, Téhéran avait adressé une protestation officielle à Google à ce sujet demandant que seul le nom Golfe persique figure sur leur carte en 3D.
Mais au delà des querelles historico-religieuses, Téhéran reproche, surtout, à Google Earth d’être un outil aux services d’espions des puissances occidentales. Il “semble apporter un plus à ses utilisateurs, mais en fait, il permet aux services de renseignements d’obtenir des informations sur des pays”, estime Mohammad Hassan Nami.
L’accusation d’être l’œil de Washington a déjà été utilisée par l’Iran contre d’autres services du géant de l’Internet par le passé. Le moteur de recherche Google avait ainsi été qualifié, en 2012, de “boîte à outils pour espions [américains, NDLR]” par Esmail Ahmadi Moghaddam, le chef de la police iranienne.
Cette méfiance explique, en partie, pourquoi le régime des Mollah tient tant à copier les principaux outils du géant de l’Internet. Avant le projet Basir, Téhéran avait annoncé, en octobre 2012, le lancement imminent d’une messagerie concurrente à Gmail et à laquelle les Iraniens étaient fortement incités à souscrire. Un service qui ne semble pas encore opérationnel à ce jour. Fin 2012, Téhéran avait lancé Mehr, un service d’hébergement de vidéos similaire à YouTube, tout entier dédié à la gloire de la politique iranienne.
Des centaines de millions de dollars nécessaires
Reste que tous ses outils made in Iran sont aussi un moyen pour le régime de mieux contrôler l’activité en ligne des Iraniens. Jusqu’à présent les autorités se contentaient, essentiellement, de bloquer, au coup par coup, l’accès depuis l’Iran à ces populaires services de communication ou de cartographie. Une solution peu satisfaisante car des outils comme les VPN (les Virtual private networks permettent de fausser l’origine géographique d’une connexion à l’Internet) suffisent souvent à contourner cette censure.
Les alternatives nationales aux services de Google peuvent ainsi offrir l’illusion d’une plus grande ouverture sur le Web tout en donnant à Téhéran un droit de regard sur l’utilisation de ces services par les internautes iraniens. Ces sites et services s’inscrivent aussi dans le cadre du projet plus global qui visent à établir un Internet “hallal”. Ce réseau 100 % iranien qui permettrait aux internautes d’accéder uniquement à des sites hébergés sur le sol iranien doit être déployé en 2013.
Encore faut-il que Téhéran dispose des fonds nécessaires pour mettre sur pied l’infrastructure nécessaire à un tel projet. Rien que pour le Google Earth iranien, les investissements s’élèveraient à plusieurs centaines de millions de dollars “pour mettre en place un centre de données capables de concurrencer Google Earth ce qui n’est pas évident pour une économie aussi isolée que l’Iran”, juge le quotidien britannique Guardian.