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Le gouvernement dévoile son projet de "moralisation" de la vie publique

Le gouvernement dévoile en Conseil des ministres ce mercredi les grandes lignes de son projet de "moralisation" de la vie politique. Des mesures qui suscitent des critique à droite comme à gauche.

Une plus grande transparence. C’est dans ce sens que veut s’orienter le gouvernement, huit jours après le choc provoqué par les aveux de l'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac sur la détention d'un compte en Suisse. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault dévoile mercredi 10 avril en Conseil des ministres les grandes lignes de son projet de moralisation de la vie publique. Il entend notamment lutter contre les conflits d’intérêts et les paradis fiscaux, avec des sanctions renforcées contre les fraudeurs. Avec ce projet, le gouvernement espère ainsi mettre un terme à cette séquence désastreuse.

"Transparence et contrôle"

Le projet de loi en préparation devrait prévoir la publication du patrimoine des parlementaires et des ministres mais viserait aussi à mettre fin aux conflits d'intérêts, autrement dit au cumul de certaines activités professionnelles, comme celle d'avocat d'affaires, avec l'exercice d'un mandat de parlementaire. Il devrait s'appuyer pour y parvenir sur les conclusions des rapports remis en 2011 par Jean-Marc Sauvé, puis en 2012 par Lionel Jospin.

Face à la crise de confiance provoquée par l'affaire Cahuzac, le gouvernement veut à tout prix éviter que les turpitudes de l'ex-ministre du Budget, exclu mardi du PS, éclaboussent l'ensemble de la classe politique. "Les mesures que je suis en train de préparer n'ont pas pour but de stigmatiser mais de garantir aux citoyens la transparence et le contrôle, et pas seulement pour les élus", a ainsi assuré mardi Jean-Marc Ayrault, qui a toutefois imposé à ses ministres la publication avant le 15 avril de leur patrimoine.

Sans attendre cette date, des ministres comme Marie-Arlette Carlotti (Lutte contre l'exclusion), Cécile Duflot (Logement) ou encore Arnaud Montebourg (Redressement productif) ont déjà franchi le pas et publié leur déclaration. Des élus de gauche et de droite comme François Fillon ou Laurent Wauquiez se sont également prêtés à l’exercice. D'autres préfèrent attendre que telle déclaration soit requise par la loi, à l'instar d'Elisabeth Guigou (PS) ou du président de l'UMP, Jean-François Copé.

Critiques de tous bords

Même si le projet n’est pas finalisé, les premiers objectifs évoqués ont déjà été critiqués à droite comme à gauche. Certains redoutent un grand déballage et d’autres relèvent qu'il faut également prévoir les moyens de vérifier la véracité de ce qui est avancé.

Beaucoup redoutent notamment une inquisition fiscale et médiatique. Gare au "voyeurisme" et à l'"hypocrisie", a averti Jean-François Copé, qui s'interroge sur la représentativité d'un Parlement dont seraient exclus "les entrepreneurs, les commerçants, les artisans, les avocats...", profession qu'il exerce lui-même comme 34 autres députés, dont certains ont déjà suspendu leur activité. Quitte à conduire une "opération de transparence absolue", il faudrait l'étendre, selon le patron de l'UMP, "aux collaborateurs de cabinets ministériels ou du cabinet du président de la République, peut-être aussi aux directeurs d'administration centrale, d'autres corps de l'État, aux journalistes, syndicalistes".

Le socialiste Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a pour sa part émis une certaine réserve. Dans un entretien accordé mardi au Parisien il estime que "publier son patrimoine n'est pas une décision que l'on prend à la légère". "Ce n'est pas mon patrimoine personnel : il remonte pour une part à avant mon élection et ma conjointe n'est pas élue", souligne-t-il. "Si la loi m'impose cette publication, je m'y soumettrai. À défaut, je ne la publierai pas", avance-t-il.

Haro sur les paradis fiscaux

Face à ces critiques, le gouvernement se veut rassurant. "Il y a une hésitation légitime à avoir car ce sont des éléments privés qui seront rendus publics. Mais dans toute une série de pays, cette transparence existe déjà et est entrée dans les moeurs", relève une source gouvernementale, citée par l'AFP. Et si ces déclarations ne peuvent à elles seules empêcher les "fraudes" comme celle de M. Cahuzac, elles doivent permettre, selon Matignon, de fournir des informations qui ensuite faciliteront les contrôles et les "recoupements".

Autre front ouvert par le gouvernement, la lutte contre les paradis fiscaux, dont l'ancien président Nicolas Sarkozy avait proclamé la disparition en 2009. "Il faut battre le fer tant qu'il est chaud", estime-t-on à Matignon, où l'on a noté avec intérêt "l'esquisse d'un mouvement" au Luxembourg. Le Grand-Duché s'est en effet dit prêt à réduire partiellement son secret bancaire. Paris milite en outre pour la mise en place au niveau européen d'échanges automatiques d'informations bancaires.

Le dispositif ne devrait pas encore être finalisé mercredi. Le lendemain, le chef du gouvernement doit consulter à Matignon les présidents des deux chambres ainsi que les chefs de file des groupes parlementaires. Le texte final pourrait être examiné au Conseil des ministres du 24 avril.

 Avec dépêches