
Les révélations jeudi 4 avril sur les détenteurs de comptes et d’intérêts financiers dans des paradis fiscaux ne sont qu’un début. Détails sur les tenants et aboutissants d’une des plus importantes fuites de documents sur les centres offshore.
D’importantes sommes d’argent, des paradis fiscaux et des personnalités en vue impliquées : tous les ingrédients sont réunis pour faire des “Offshore Leaks” un scandale à même d’ébranler les places financières opaques et fiscalement avantageuses pour les grandes fortunes.
“Les documents récupérés illustrent, chiffres et faits à l’appui, à quel point le système financier opaque offshore s’est répandu agressivement à travers le monde permettant aux plus riches d’échapper à l’impôt, aggravant du même coup les problèmes économiques des pays développés et des États les plus pauvres”, résume le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) qui est à l’origine des révélations .
Tour d’horizon des premiers enseignements des informations publiées simultanément, jeudi 4 avril, par l’ICIJ et 38 médias dans le monde.
Comment est née l’affaire des “Offshore Leaks” ? Au début, il y a un simple colis arrivé il y a plus d'un an par la poste et adressé à Gerard Ryle, directeur de l’ICIJ. Ce journaliste australien vient de boucler une enquête de trois ans sur un scandale financier en Australie impliquant des paradis fiscaux. À l’intérieur du paquet : un disque dur qui contient 2,5 millions de documents, tous relatifs à des comptes en banque et des investissements dans des centres offshore
Un trésor de guerre de 260 gigabits, soit une masse d’informations 160 fois plus importante que les célèbres câbles diplomatiques américains confidentiels publiés en novembre 2010 par le site WikiLeaks. L’ICIJ décide alors de lancer une vaste enquête de 15 mois en partenariat avec des journalistes du monde entier de 38 médias (dont Le Monde, le Guardian, la Süddeutsche Zeitung ou encore le Washington Post).
Que contiennent les données transmises à l’ICIJ ? Les “Offshore Leaks”, ce sont près de 2 millions de mails, des photocopies de documents d’identité, des relevés bancaires ou encore des documents internes d’entreprises ou de banques qui ont des activités dans des paradis fiscaux.
Ces fichiers proviennent de deux sociétés très actives dans les paradis fiscaux : la Commonwealth Trust Limited, située dans les Îles Vierges britanniques, et Portcullis Trustnet, basée à Singapour et qui opère dans une dizaine de centres offshore.
L’analyse de ces documents a permis d’identifier - à ce jour - environ 122 000 sociétés, liées à plus de 130 000 personnes dans 170 pays. Tous disposent d’une manière ou d’une autre, légalement ou pas, d’intérêts financiers dans ces centres offshore et sont ainsi protégés de la curiosité du fisc dans leur pays respectif.
Qui sont les personnalités impliquées ? Il y a certes essentiellement des grandes fortunes, mais pas seulement. Les données collectées démontrent que des médecins, avocats et même “des membres de la classe moyenne grecque”, comme le souligne l’ICIJ, ont succombé aux sirènes des paradis fiscaux.
Certains noms de personnalités de premier plan, issues aussi bien du monde politique que de celui des affaires, ressortent du lot. Ainsi, Olga Shuvalova, femme du vice-premier ministre russe Igor Shuvalov, a investi dans des sociétés basées dans les îles Vierges britanniques et dans les Bahamas. Le président d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, et sa famille sont liés à plusieurs holdings dans les îles Vierges britanniques. Il y a aussi la baronne espagnole et amatrice d’art Carmen Thyssen-Bornemisza qui s’est servie de sociétés offshore pour acheter des œuvres d’art lors de ventes aux enchères.
Parmi les bénéficiaires français de ce système opaque, Jean-Jacques Augier, ex-trésorier de campagne de François Hollande, figure aux côtés de 129 personnes identifiées par le quotidien Le Monde.
Va-t-il y avoir d’autres révélations ? Il n’y a aucun doute là-dessus. Ce n’est que le début de l’affaire des “Offshore Leaks”. Une telle masse de données ne s’épuise pas en un jour. D’ailleurs, l’ICIJ a déjà promis, sur son compte Twitter, qu’il “publierait de nouvelles informations tous les jours pendant les prochaines semaines”.