Le géant pharmaceutique suisse Novartis a perdu sa bataille judiciaire visant à faire breveter en Inde un coûteux traitement anticancer, le Glivec. Une décision de justice qui conforte l'utilisation de médicaments génériques bon marché dans le pays.
Le laboratoire pharmaceutique Novartis va-t-il mettre à exécution sa menace de suspendre ses livraisons de nouveaux médicaments en Inde ? La question se pose après le rejet par la Cour suprême indienne de la demande de brevet déposée par le géant suisse pour un nouveau traitement anticancer onéreux.
Les juges ont estimé que le Glivec, un traitement anti-leucémie vendu en Inde 2 600 dollars par patient et par mois ne remplissait pas les critères de "nouveauté ou de créativité" requis par la loi. Une décision de justice qui permettra aux malades indiens de continuer à bénéficier de la version générique du Glivec, disponible localement pour environ… 175 dollars par mois.
"C’est un coup dur pour le laboratoire suisse car ça permet d’ouvrir un traitement anticancéreux prometteur à des populations beaucoup moins riches", décrypte Grégoire Queinnec, correspondant de FRANCE 24 à New Delhi.
Médicaments d'origine contre génériques
Cette affaire était suivie de près par les groupes pharmaceutiques mondiaux, pour qui la protection des brevets est vitale pour stimuler la recherche et le développement de nouveaux médicaments. Les associations, elles, craignaient qu'un feu vert de la Cour suprême ne prive les patients pauvres d'un générique bon marché.
Le groupe suisse avait déposé en 2006 une demande de brevet pour ce puissant médicament contre la leucémie mais elle avait été rejetée par la justice indienne en première instance comme en appel.
Un avocat représentant l'Association indienne d'aide aux malades du cancer, Anand Grover, s'est dit "fou de joie" après la décision rendue par la plus haute juridiction du pays.
"Cela va donner un énorme coup de pouce pour fournir aux pauvres des médicaments à des prix abordables", a-t-il souligné, interrogé devant la Cour suprême, à New Delhi.
Breveter pour durer
Novartis avait menacé de suspendre la fourniture de nouveaux médicaments à l'Inde si la justice ne tranchait pas en sa faveur.
"Si la situation actuelle demeure, à savoir que toutes les améliorations d'une molécule originale ne sont pas protégeables, ces (nouveaux) médicaments ne seront pas commercialisés en Inde", a prévenu Paul Herrling, un responsable de Novartis, cité dimanche par le Financial Times.
Mais Leena Menghaney, conseil juridique de MSF, estimait de son côté qu'une victoire de Novartis "établirait un dangereux précédent en affaiblissant gravement les lois indiennes contre l''evergreening'".
La technique dite d'"evergreening" consiste, pour les groupes pharmaceutiques, à déposer des brevets pour un produit faiblement modifié de façon à en conserver pour des décennies supplémentaires le droit exclusif d'exploitation.
Le marché pharmaceutique en Inde, pays émergent de 1,2 milliard d'habitants, devrait représenter un chiffre d'affaires de 74 milliards de dollars en 2020, contre 11 milliards de dollars en 2011.
Avec dépêches