
Réputé discret et peu enclin aux concessions, le magistrat en charge du complexe dossier Bettencourt s’est attiré les foudres des partisans de Nicolas Sarkozy après la mise en examen de l'ancien président.
À l’heure où l'ancien président français Nicolas Sarkozy est mis en examen pour "abus de faiblesse" envers la milliardaire Liliane Bettencourt, tous les regards se tournent, vendredi 22 mars, vers le juge bordelais Jean-Michel Gentil, qui tient les rênes du dossier. Au-delà de la décision considérée, par les proches de Nicolas Sarkozy, comme "irresponsable", "grossière" ou encore "extravagante", c’est la personnalité mystérieuse du magistrat qui attire l’attention.
Réputé déterminé et austère, Jean-Michel Gentil, 52 ans, est connu du monde de la justice depuis de nombreuses années. Avant de s’emparer du lourd dossier Bettencourt en 2010, il fait ses armes dans le Nord et se fait remarquer à Paris, où il démantèle des réseaux de proxénétisme dans lesquels mouillaient des policiers. Plus tard, il se frotte au ponte du barreau de Corse, l’avocat Antoine Sollacaro, assassiné en octobre 2012, qu’il met en examen pour "violation du secret de l’instruction". Une décision qui lui a valu une fronde de la part des avocats de l’île.
Peu attiré par les feux des médias, celui qui a convoité en 2012 le poste d’avocat général à la Cour d'appel de Paris, cultive la discrétion comme méthode de travail. Symbole de sa marque de fabrique : le transfert du dossier Bettencourt est allé de pair avec la commande de deux armoires fortes et l'installation d'une vitre opaque à l'entrée de la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS), afin d'échapper aux regards des badauds, rappelle l’AFP.
"Déshonneur"
Dit inflexible, l’homme ne devrait faire de cadeaux ni à la droite, ni à la gauche, selon les dires de proches du juge rapportés par "L’Express". Toujours est-il que, pour l’instant, c’est à l’opposition que le magistrat a infligé un sérieux coup dur en mettant en examen l’ancien président, dont le retour en politique pour la présidentielle de 2017 était pressenti - sinon espéré par certains - dans les rangs de l’UMP.
Henri Guaino, député UMP et ex-conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à l'Élysée, s’est emporté, vendredi, sur Europe 1, contre ce qu’il considère comme une décision insupportable. "Je conteste la façon dont [le juge Gentil] fait son travail. […] Je la trouve indigne, je trouve qu'il a déshonoré un homme, les institutions, la justice." Et de poursuivre : "Je voudrais voir le juge d'instruction venir expliquer devant les Français pourquoi, sur quel fondement, à partir de quel fait précis, concret irréfutable, il a pris une décision aussi lourde de conséquences".
"Je suis surpris !", s'est exclamé pour sa part l’ancien membre du gouvernement Fillon, Thierry Mariani, se demandant "s'il n'y [avait] pas un certain acharnement de certains juges sur certaines personnalités".
Au mot "acharnement", d’autres ont préféré l’idée de détermination, à l’image du chef du Parti socialiste, Harlem Désir, qui a estimé, vendredi, que la justice devait aller jusqu'au bout avant de mettre en garde la droite "contre le fait d'essayer d'exercer une pression".
Un encouragement dont le juge Gentil n'a nul besoin, d’après les dires de l’ancien bâtonnier du barreau d'Ajaccio, Me Camille Romani. "Il n'est pas du genre à se laisser impressionner, explique-t-il à l'AFP. Mais pas non plus à reconnaître ses torts..."