La Cour européenne des droits de l'Homme a estimé jeudi que la France avait bafoué la liberté d'expression en condamnant l'homme qui avait brandi, en 2008, à Laval, une affichette "Casse-toi pov'con", à l'adresse de Nicolas Sarkozy.
En lançant un "casse-toi pov' con" au Salon de l’agriculture en février 2008, Nicolas Sarkozy pouvait-il imaginer que sa petite phrase serait encore au cœur de la tourmente judiciaire, cinq années plus tard ? La CEDH (Cour européenne des droits de l'Homme) a estimé jeudi 14 mars que la France avait bafoué la liberté d'expression en condamnant pour "offense au chef de l'État", Hervé Eon, ancien conseiller général socialiste passé au Parti de gauche, qui avait agité en 2008 une pancarte "Casse-toi pov'con" devant le président de l'époque Nicolas Sarkozy.
La juridiction européenne a qualifié de "disproportionné" le recours à une sanction pénale, qui risque selon elle d'avoir "un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des question d'intérêt général".
Le militant de gauche faisait une allusion évidente au "Casse-toi pov'con" prononcé quelques mois plus tôt par Nicolas Sarkozy lui-même, au Salon de l'agriculture, à l'adresse d'un visiteur qui refusait de lui serrer la main. L'échange, largement médiatisé à l’époque, avait fait l’objet de nombreux détournements des détracteurs du président.
"Une petite leçon de politesse"
Dans l'affaire de l'affichette, Nicolas Sarkozy a porté plainte pour "offense au chef de l’État" et obtenu gain de cause. Hervé Eon a été condamné à une peine "de principe" de trente euros avec sursis. Une amende confirmée en appel. "J’ai trouvé ça injuste vu que l’expression venait de Nicolas Sarkozy à la base", avait déploré l’accusé. "Et puis, je suis plus âgé que lui, je pouvais bien lui donner une petite leçon de politesse."
Après avoir épuisé tous les recours possibles dans l’Hexagone, l’ancien élu, soutenu par Jean-Luc Mélenchon, s'est tourné vers le Cour européenne des droits de l'Homme.
Le retour du crime de lèse-majesté ?
L'avocate d'Hervé Eon, maître Dominique Noguères, voit dans cette affaire "une question de principe"."Même si la condamnation a été très légère, il est ahurissant que ce monsieur ait été arrêté et poursuivi en justice" pour offense au chef de l’État, estime l'avocate, rappelant que "le nom du président de la République n'était même pas cité" sur la pancarte litigieuse"...